Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française

1537 LES MINISTRES DE GENÈVE AU CONSEIL DE GENÈVE. 159
toyrement paHiars,avaricieux, idolâtres, maldisans ou yvrongnes,
adonnés à rapines. Pourtant, s'il y a quelquecraincte en nous de
Dieu, il fanlt que cesteordonnance aye lieu en nostre esglise l0. Encores
les raysons mesmes sur quoy elle est fondée, et les froicts
qui en proviennent, nous debvroyent esmouvoyr à en user, quant
il n'y auroyt pas si exprès commandement C'est premièrement,
que Jhésucrist n'est pas blasphème et déshonneur, comment si son
Esglise estoyt une conjuration de gens pervers et dissoluzen tous
vices.Secundement, que ceulxqui reçoipvent telle correction, ayans
honte et confusion de leur péché, viennent à se recognoëstre et se
amender. Tiercement, que les aultres ne sont pas corrompuz et
pervertis de leur conversation, mays plustost par leur exemple sont
advertiz de ne cheoyr en pareilles faultes
Ceste usance et praticque a duré anciennement quelque temps
enl'Esglise avecq singulière utilité et advancemant de la crestienté,
10Les termes mêmes dans lesquels cette affirmation est présentée
prouvent que l'excommunication n'était pas encore en usage dans l'église
de Genève. Aussi M. Amédée Roget nous semble-t-il s'être trop avancé,
en disant (op. cit. I, 6) c La discipline ecclésiastique, avec l'intervention
dans les mœurs privées qui la caractérise essentiellement, était mise
en activité à Genève avant l'arrivée de Calvin, et c'est à tort qu'on attribue
souvent à ce réformateur la conception et l'initiative du régime
disciplinaire qui a prévalu dans notre cité. Calvin n'a fait que sanctionner,
consolider et étendre graduellement un régime dont il avait trouvé
les fondements posés. »
11 Sauf une inversion, ces trois dernières phrases sont traduites de
l'Institution Chrétienne de 1536, où on lit, p. 144-145 < In hune usum
constitutae sont excommunicationes, quibus à fidelium consortio abdicarentur
atque expellerentur ii qui nihil aliud sunt quàm scandala Ecclesise,
ideaoue indigni qui Christi nomine glorientur Primùm, ne cum
Dei contumelia inter Christianos nominentur, ac si sancta ejus Ecclesia
foret maleticorum ac publicè improborum hominum conjuratio; deinde,
ne frequenti consuetudine alios corrumpant perversœ vitse exemplo; postremo,
ut eos ipsos pudore confusos, suœ turpitudinis pœnitere incipiat,
ac ex ea pœnitentia resipiscere tandem discant Brunswick, I, 75-76).
» (Calv. Opp. édit. de
Cette sévérité excessive de Calvin contraste avec la mansuétude qui
animait Farel, quand il définissait en ces termes le but de Vexcommunicar
non: c Cecy est faict affin que, par honte et tristesse qu'il en a, il [le
pécheur] revienne à amandement, laissant son péché C'est une correction
amyable et pleine de charité pour tirer les paovres pécheurs
de leurs péchez » (Sommaire de G. Farel, réimprimé d'après l'éd. de l'an
1534 et précédé d'une introd. par J.-G. Baum. Genève, 1867, p. 78).