Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française

f 53(k JEAN CALVIN AU ROI DE FRANCE. 5
ton Royaume Car je n'aura? nulle honte de confesser, que je y ay
comprins quasi une somme de ceste mesme doctrine, laquelle ilz
estiment devoir estre punie par prison, bannissement, proscription
et feu, et laquelle ilz crient devoir estre deschassée hors de terre
et de mer. Bien sçay-je de quelz horriblesl raportz ilz ont remply
tes aureiUeset ton cœur, pour te rendre nostre cause fort odieuse.
Mais tu as à réputer, selon ta clémence et mansuétude, qu'il ne
resteroit innocence aucune, n'en ditz n'en faictz,s'il suffisoit d'accuser.
v
Certainement, si quelqu'un, pour esmouvoir hayne à rencontre
de ceste doctrine, de laquelle je me veulx efforcer te rendre raison,
vient à arguer qu'elle est desjà condamnée par un commun
consentement de tous estatz,qu'elle a receu en jugement plusieurs
sentences contre elle, il ne dira autre chose, sinon qu'en partie
elle a esté violentement abbatue par la puissance et conjuration
des adversaires, en partie malitieusement opprimée par leurs
mensonges, tromperies, calumnies et trahisons. C'est force et violence,que
cruelles sentences sont prononcées à rencontre d'icelle,
devant qu'elle ayt esté detfendue. C'est fraude et trahison, que.
sans cause, elle est notée de sédition et maléfice.A fin que nul ne
pense que nous nous complaignonsde ceschoses à tort, toy-mesme
nous peux estre tesmoing, très-excellent Roy, par combien faulses
calumnies elle est tous les jours diffaméeenvers toy C'est à sçavoir,
qu'elle ne tend à autre fin, sinon que tous règnes et polices
soient rujnées, paix soit troublée, les loix abolies, les Seigneuries
et possessions dissipées, brief, que toutes choses soient renversées
en confusion 5.Et néantmoins encores tu n'en oys que la moindre
portion. Car entre le populaire sont seméz contre icelle horribles
raportz lesquelz s'ilz estoient véritables, à bon droit tout le monde
la pourroit juger, avec tous ses autheurs, digne de mille feux et
de mille gibbetz.
Quis'esmerveiUeramaintenant, pourquoy ellé est tellement haye
de tout le monde, puis qu'on adjouste foy à telles iniques détractions
? Voy-là pourquoy tous les estatz, d'un commun accord,
conspirent en la damnation de nous et de nostre doctrine. De ceste
affection raviz et transportéz, ceux qui sont constitnéz pour en
4 Voyezle N»492, notes10-11.
8 Voyezle manifestede FrançoisI aux États de l'Empire(S* 492,
renvoisde note 6-11).