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documents pour servir a l'histoire

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N° 420. Rapport de M"' Isabelle Himmer.<br />

Après les événements survenus rue Saint-Jacques, pendant la nuit du vendredi<br />

au samedi, il fut un moment question de passer sur l'autre rive de la Meuse,<br />

moins par crainte du danger que par entraînement; mais mon père ne put se<br />

résoudre à abandonner ses ouvriers et son usine, et nous résolûmes de rester.<br />

Le samedi soir, nous crûmes plus prudent de descendre dans la cave, et<br />

c'est là que nous passâmes la nuit (1). Vers 3 heures du matin, accablés de<br />

fatigue, malgré le danger, nous sommes remontés dans nos chambres <strong>pour</strong> nous<br />

reposer un peu. Nous fûmes bien vite réveillés par le bruit du canon. En hâte,<br />

nous descendîmes et, entendant l'ennemi défoncer les portes voisines, nous<br />

allâmes nous cacher dans la fabrique. Il est incompréhensible qu'en traversant<br />

la grande cour, npus n'ayons pas été aperçus par des soldats qui, dès 6 h. 3o,<br />

avaient pénétré dans la conciergerie.<br />

Dans la fabrique, mon père retrouva plusieurs de ses ouvriers qui s'y étaient<br />

réfugiés avec leur famille (2). Quelques-uns y étaient déjà cachés depuis la veille<br />

au soir, d'autres s'y étaient rendus à la première heure du jour, en voyant les<br />

Allemands envahir les demeures. Plusieurs se trouvaient blottis dans les fondations<br />

de la machine, une partie s'était réfugiée dans les caves. C'est de là que<br />

nous entendîmes durant toute la journée le bruit sourd du canon et le crépitement<br />

de la fusillade.<br />

Nous avions déjà, pendant la matinée, aperçu des Allemands dans la grande<br />

cour, ce qui en détermina quelques-uns à se cacher dans le magasin aux laines.<br />

Notre situation devenant de plus en plus critique, Papa alla trouver plusieurs<br />

de ces braves gens qui partageaient notre sort, et on fut d'avis de se rendre.<br />

Sachant un peu d'allemand, j'espérais au moyen de la connaissance de leur<br />

langue, faire entendre raison à ces soldats dont nous ne connaissions pas encore<br />

les procédés barbares; aussi je prends bravement la tête du cortège, avec Désiré<br />

Louis (fig. 37) qui, au bout d'une perche, avait arboré un grand drapeau blanc.<br />

En débouchant dans la cour, nous voyons celle-ci toute remplie de soldats.<br />

Grimpés sur tout ce qu'ils avaient pu trouver, ils tiraient abrités par le mur<br />

d'enceinte et si absorbés qu'il fallut les appeler à plusieurs reprises. En nous<br />

apercevant, ils parurent tout d'abord stupéfaits, puis, avec des cris de sauvages,<br />

ils nous firent lever les mains et ainsi traverser toute la cour, la prairie et<br />

l'ancien polissoir. Là, une sentinelle gardait un des leurs, le seul soldat mort<br />

que nous ayons vu, et dont le cadavre était recouvert de fleurs.<br />

A la sortie de la grille, un officier arrêta brutalement mon père qui tenait<br />

par la main le petit André. « C'est mon petit-fils », disait Papa, mais l'officier,<br />

qui ne voulait pas entendre raison, lui arracha l'enfant et me le remit en disant :<br />

« Kind mit Mama ». Je vis alors qu'on groupait tous les hommes à part et que<br />

les femmes et les enfants étaient dirigés vers l'Abbaye. Ne me doutant pas du<br />

danger qui menaçait les nôtres, je demandai à un officier <strong>pour</strong>quoi on gardait<br />

les hommes; sur le ton le plus rassurant il me répondit que c'était tout<br />

(1) M e Himmer se trouvait avec son père, sa mère et son neveu, le petit André Brisbois.<br />

(a) Exactement 108 personnes.

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