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IÛ8<br />
N° 42.5. Demeurant rue Saint-Pierre, n° 53, je me trouvais dans les caves, le dimanche<br />
2.3 août, avec mon père, ma mère, mes sœurs et des voisins, lorsque, au commencement<br />
de l'après-midi, voyant tout le quartier en feu, nous traversâmes la rue et<br />
nous nous réfugiâmes en face dans la brasserie Nicaise (fig. au, n° 17). Beaucoup<br />
de voisins s'y trouvaient déjà.<br />
Vers \-j heures, les Allemands ont frappé à la porte de la brasserie, rue<br />
Saint-Pierre. Les avis étaient partagés : les uns conseillaient de ne pas bouger, les<br />
autres au contraire, parmi lesquels M. Jules Monin, disaient qu'on devait ouvrir, <strong>pour</strong><br />
ne pas exaspérer les soldats et épargner peut-être ainsi la brasserie. Les coups<br />
redoublant, on finit par ouvrir la porte de derrière donnant sur la rue des Tanneries.<br />
Dès que les Allemands nous aperçurent, ils nous mirent en joue et nous crièrent<br />
de lever les bras. Les femmes et les enfants furent aussitôt mis à part et dirigés par<br />
la rue Saint-Pierre dans la direction de l'Abbaye.<br />
Les soldats du io8 me , arrivant toujours plus nombreux, nous entouraient de tous<br />
côtés. Un officier alors, en un mauvais français, nous annonça que tous les hommes<br />
allaient être fusillés. M. Jules Monin s'avança vers cet officier et lui offrit une forte<br />
somme d'argent, mais il fut impitoyablement repoussé C'est alors que M. Junius<br />
(fig. 60), professeur au Collège communal, sortant de la cave de la maison Barré,<br />
où il était caché avec sa femme et son enfant, se précipita <strong>pour</strong> sauver ses malheureux<br />
concitoyens, et — en allemand — plaida leur cause auprès de l'officier (1). Une<br />
première fois il est éconduit; sans se laisser décourager, il revient à la charge, mais<br />
cette fois, on le repousse brutalement dans nos rangs. Il veut alors s'adresser aux<br />
soldats; il est trop tard : un coup de sifflet a retenti et le peloton placé en face tire<br />
sur nous. Tous tombent, et une seconde décharge atteint ceux qu'avait épargnés la<br />
première. Je suis cette fois moi-même blessé, mais je n'ai que de légères éraflures<br />
à la tête, au dos, aux jambes et à la main droite.<br />
Après avoir chanté victoire, le peloton partit, laissant quelques soldats en<br />
sentinelle <strong>pour</strong> achever ceux qui vivaient encore. Avant de s'en aller, ils<br />
s'assurèrent que toutes les victimes étaient bien mortes, et satisfaits de leur examen,<br />
ils abandonnèrent l'hécatombe humaine. Parmi les victimes se trouvait mon père<br />
Vital Disy.<br />
Trois de nous avaient échappé à leur investigation, ou tout au moins les<br />
avaient trompés : Emile Cassart, Mosty et moi. A la nuit tombante, profitant d'un<br />
tombereau garé contre la propriété Himmer (a), nous sautâmes dans le jardin et de<br />
là nous nous réfugiâmes dans le « Ry de Bruau » Emile Cassart, remontant le<br />
ruisseau, est allé retrouver les Stéphenne en dessous de la rue des Tanneries<br />
Mosty et moi, nous nous sommes tenus cachés sous le quai de Meuse, ayant de l'eau<br />
jusqu'à la ceinture.<br />
(1) « Nous habitions i3, rue des Orfèvres, dit M me Junius, mais en voyant le dimanche après-midi les<br />
progrès de l'incendie, nous décidons, mon mari et moi, de nous rendre avec notre enfant dans la demeure de<br />
M. l'avocat Barré, car, cette maison disposant d'un jardin, nous <strong>pour</strong>rons plus facilement nous y abriter en cas<br />
d'incendie. La porte du jardin de M. Barré donne dans la rue des Tanneries et c'est de là que mon mari vit les<br />
Allemands ranger contre le mur les civils sortis de la brasserie Nicaise. « Je vais au secours de ces gens-là ï><br />
s'écria-t-il, et il s'élança hors du jardin sans que je pusse le suivre, mon enfant me réclamant à grands cris<br />
dans la cave. Je ne revis plus mon mari I »<br />
(a) Celui-là même dent s'était servi Achille Stéphenne et les siens.