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documents pour servir a l'histoire

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Je n'étais pas blessée, mais il m'était impossible de faire le moindre mouvement.<br />

J'entendis encore plusieurs coups de feu, puis je sentis du sang couler en abondance<br />

sur ma figure. Je parvins à grand' peine à soulever une tête qui reposait sur mon<br />

épaule. Je reconnus celle de mon frère. Je criai : « Auguste, Auguste! » Hélas! je<br />

n'obtins pas de réponse, il était mort. De ma main droite, je serrais toujours encore<br />

la main de ma mère. Je l'appelai alors, en criant: « Maman, maman » ! Même silence.<br />

Je serrai alors sa main dans la mienne, très fort, le plus fort que je pouvais. Pas le<br />

moindre mouvement ne répondit à mon étreinte. Elle aussi était morte! C'est alors<br />

seulement que la réalité se fit jour à mes yeux. Un horrible silence commençait à<br />

s'étendre autour de moi. Les plaintes et les gémissements s'éteignirent; à peine si,<br />

de temps en temps, une dernière convulsion d'un moribond remuait les victimes.<br />

J'avais quelqu'un près de moi qui bougeait encore et qui me gênait fort en<br />

rejetant toujours son bras de mon côté. C'était Emile Dury. Il devait grandement<br />

souffrir et suppliait à grands cris qu'on l'achève. Je crois, en effet, qu'un soldat est<br />

venu lui donner le coup de grâce, car il n'a bientôt plus bougé.<br />

Sur ces entrefaites la nuit était tombée. Que faire? Demeurer en silence au<br />

milieu des morts ou révéler ma présence par des cris? La première alternative était<br />

plus sûre, mais le poids des cadavres était tel, que je me demandais si je <strong>pour</strong>rais<br />

longtemps encore demeurer dans une telle position; or, il m'était impossible de me<br />

mouvoir toute seule; appeler au secours les Allemands, c'était risquer de me faire<br />

achever par eux. Dans cette terrible perplexité, je me mis à prier. J'appelai à mon<br />

aide la petite sceur Thérèse de l'EnfanWésus.<br />

J'entendis soudain du bruit : c'étaient des soldats qui dépouillaient les<br />

cadavres. Ils avaient le mot « mark » constamment à la bouche. Bien décidée cette<br />

fois à demander du secours, je profitai de la présence tout près de moi d'un soldat,<br />

<strong>pour</strong> faire entendre quelques plaintes. Il se retourna, se pencha vers moi, me<br />

souleva par la nuque, puis me laissa retomber. Il s'éloigna. Environ cinq minutes<br />

après, il revint, accompagné de l'officier qui avait commandé la fusillade. Quand<br />

je revis cette figure, je me mis à trembler. Il dirigea sur moi sa lampe électrique.<br />

« Pouves^vous vous relever? » me demanda-'t-'il. « C'est impossible, Monsieur, »<br />

lui répondisse. Il ordonna : « Mettea^-vous à genoux ». Je lui dis : « Je ne le puis,<br />

il faudrait <strong>pour</strong> cela enlever d'abord tous les cadavres couchés sur moi ». Alors un<br />

soldat s'approcha, me saisit violemment par les deux bras, et, m'imprimant une forte<br />

secousse, il me retira du monceau de cadavres.<br />

Je sentis à ce moment que mes jambes se brisaient, ma jambe droite à deux<br />

places différentes et ma jambe gauche au-dessus du genou. Le soldat m'avait<br />

retirée si brusquement, que mes bas et mes souliers avaient été arrachés par<br />

l'effort et étaient restés dans les cadavres. Deux soldats me transportèrent chez<br />

M. Alexandre Bourdon, le négociant, et me déposèrent sur le sol. En entrant,<br />

je vis que la pendule marquait exactement 2.2 h. 10.<br />

Mon état à ce moment n'est pas à dépeindre. Des pieds à la tête, j'étais<br />

couverte du sang, qui avait détrempé mes vêtements, et de débris d'entrailles qui<br />

tachaient mes habits. J'étais incapable de me mouvoir et la maison où l'on m'avait<br />

déposée était remplie de soldats. Je demandai à l'un d'eux à boire, car je mourais<br />

littéralement de soif. Il prit un verre d'eau et me le présenta. Ne pouvant lever les<br />

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