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documents pour servir a l'histoire

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mais retombe. Le soir, elle voulut fuir par notre jardin, mais se perdit et, trompée<br />

par l'obscurité, tomba dans une fosse à purin où elle se noya. Je l'y retrouvai moimême<br />

le surlendemain.<br />

Edouard Pollet (i5 ans) expire, comme on le dépose par terre. Je vois encore<br />

transporter Louis Bourdon, qui mourut quinze jours après à l'hôpital de Dinant; et<br />

Aline Monin, grièvement blessée dans la région du bassin. Elle se remit cependant<br />

de ses multiples et graves blessures (t).<br />

Je n'ai pas vu mon fils Maurice, qui avait eu une large blessure au côté gauche.<br />

On l'avait transporté sur le remblai du chemin de fer, à côté de Louis Florin qui<br />

avait eu sa femme tuée à côté de lui, et lui-même avait reçu une décharge à la<br />

jambe qui nécessita l'amputation. Ce fut par Louis Florin que j'appris plus tard que<br />

mon fils succomba à ses blessures, dans d'horribles souffrances, vers 23 heures.<br />

Sur ces entrefaites, je vois arriver ma fille Claire avec son frère Gustave.<br />

« Mon Dieu, Maman, s'écrie-t-elle, vous n'êtes pas tuée ? —- Mais non, je n'ai<br />

rien. Et vous autres, où étiez-vous ? » Elle me répond : « En dessous de l'aqueduc,<br />

nous avons suivi notre père». Et comme je l'entends demander aux soldats de la<br />

tuer, je lui demande <strong>pour</strong>quoi elle tient un tel langage : « Anna et Georgette<br />

sont mortes, Maman ! » Le choc fut si dur que je ne pus dire une parole, ni pousser<br />

un cri, j'étais anéantie. Lorsque je fus revenue un peu à moi, apercevant une voisine,<br />

Adolphine Bultot, je lui demande si elle n'a pas vu mon mari et mon autre fils.<br />

« Mon Dieu, me répond-elle, ils sont tous tués (2) ! » Quel coup ! Les barbares, ils<br />

m'avaient donc tué quatre des miens!... Comment ne suis-je pas devenue folle?<br />

Non contents d'avoir tué les nôtres, les Allemands nous forcent à abandonner<br />

leurs dépouilles mortelles et, ce qui plus est, nous empêchent de prodiguer nos<br />

soins à ceux qui vivent encore et que torturaient d'atroces souffrances provoquées<br />

par leurs horribles blessures. N'importe, il faut partir. L'ordre a été donné de<br />

laisser sous l'aqueduc les cadavres. Ceux donc qui ne peuvent plus se mouvoir, bien<br />

qu'encore en vie, sont aussi abandonnés à leur triste état. Tels sont Louis Florin,<br />

mon pauvre fils Maurice, la femme Bourguignon et son mari, la femme Bultot, le<br />

petit Pollet et Aline Monin. De tous ceux-là deux seulement survécurent : Louis<br />

Florin et Aline Monin. Tous les autres blessés doivent nous suivre, bien que<br />

quelques-uns soient grièvement atteints. Péniblement ils nous accompagnent, soutenus<br />

par des amis ou des parents, jusqu'au bord de la Meuse et doivent se traîner<br />

jusqu'en face du Rocher Bayard où nous recevons tous ordre de nous arrêter. Nous y<br />

retrouvons du reste un grand nombre de civils prisonniers comme nous, et quelques<br />

soldats français.<br />

Peu après notre arrivée les hommes sont séparés des femmes et des enfants et<br />

sont conduits sur l'autre rive où on leur fait prendre le chemin de l'Allemagne. Les<br />

(1) Lorsque Raoul Florin eut ramassé tous les blessés, avant de se mettre en route, comme l'ordonnait un<br />

officier, il lui demanda de pouvoir tout d'abord rechercher sa mère. «Où estr-elle B , lui dit l'Allemand. «Très<br />

probablement dans la cave », lui répondit Raoul, en lui montrant le soupirail de sa maison. Aussitôt l'officier<br />

donna des ordres à des soldats et ceux-ci tirèrent plusieurs coups de fusil dans la cave en question. Florin cru 1<br />

bien que sa mère avait été tuée. Heureusement il n'en était rien, vu qu'elle s'était réfugiée dans la maison en<br />

face chez M me Charlier.<br />

217<br />

(î) A ce moment-là, comme il a été dit plus haut, Maurice vivait encore, mais on le croyait déjà mort

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