19.07.2013 Views

documents pour servir a l'histoire

documents pour servir a l'histoire

documents pour servir a l'histoire

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

58<br />

Le 22 cependant, au soir, M. Van Damme, le concierge de M me Bouché, vint<br />

nous dire que les officiers avaient déclaré au château qu'on allait le lendemain tuer<br />

beaucoup d'hommes à Dinant et incendier un grand nombre de maisons. Le 23, dès<br />

6 h. du matin, nous étions sur la porte de la ferme, regardant passer les fantassins,<br />

puis les pontonniers, lorsqu'un officier s'est approché du père Jacquet, lui a arraché<br />

la pipe de la bouche et nous a tous menacés. Nous nous sommes empressés de<br />

rentrer. Vers 14 heures, alors que tout le monde était dans la cave, sauf le père et<br />

la mère Jacquet et leur fils, mon père et moi, un officier est entré en nous ordonnant<br />

de lever les bras et en disant que nous cachions des armes. La mère Jacquet,<br />

ne levant pas les bras assez haut, reçut en pleine poitrine un coup de crosse qui la<br />

fit tomber et elle s'évanouit. Son fils en voulant la relever fut accablé de coups.<br />

Après une infructueuse perquisition, l'officier prit les hommes et leur dit de le suivre.<br />

Nous étions donc quatre et l'on nous rangea devant la maison. Nous vîmes bientôt<br />

passer dix prisonniers civils, huit de Lisogne et deux de Thynes, liés deux à deux;<br />

on nous joignit à ce groupe et, tandis que les deux Jacquet furent garrottés ensemble,<br />

mon père et moi nous le fûmes aussi (1).<br />

Arrivés dans la prairie du moulin Capelle, deux vieux officiers se présentèrent<br />

et nous accusèrent d'avoir tiré sur leurs hommes. Naturellement on protesta, mais<br />

rien n'y fit et un jeune sous-lieutenant s'approcha de notre groupe et déchargea<br />

son revolver sur l'un de nous qui roula sur le sol. C'était un habitant de Thynes;<br />

son compagnon qui était lié avec lui, tomba bientôt, lui aussi, <strong>pour</strong> ne plus se<br />

relever. Les soldats, arrêtés sur la route, contemplaient cette scène en riant. Nous<br />

étions consternés, nous ne disions pas un mot, et nous n'osions même pas regarder<br />

celui qui tombait.<br />

C'est alors qu'un officier vint à moi et me demanda mon âge. Je lui répondis<br />

que j'avais 12 ans, alors qu'en réalité j'en avais i3. Je pressentais qu'il voulait<br />

me sauver : « Voulez-vous, me dit-il, aller à Thynes et dire aux gens du village<br />

que tous les hommes seront fusillés et les maisons incendiées, parce qu'on a tiré<br />

sur nos soldats. » Je ne me fis pas répéter l'ordre deux fois, et comme je m'en<br />

allais, je me retournai une dernière fois et je vis des prisonniers s'avancer et<br />

j'entendis des coups de revolver.<br />

Une fois sur la route, je fus assailli par des soldats qui croyaient que je fuyais<br />

et qui me rouèrent de coups. Je revins donc dans la prairie et, en m'apercevant,<br />

le bourreau qui exécutait les victimes s'arrêta ; sept hommes restaient encore<br />

debout, parmi lesquels mon père. Ayant appris qu'on ne me laissait pas passer, on<br />

me fit accompagner d'un vieux soldat et tandis que je m'éloignais, j'entendis encore<br />

des coups de feu. J'ai erré de tous côtés pendant cinq jours, et le vendredi suivant<br />

j'ai retrouvé ma mère et ma sceur au château de Chession.<br />

Quels furent les motifs de cette exécution collective? Un billet attaché par les<br />

Allemands à l'arbre en question nous en donne le fallacieux prétexte. Il est conçu<br />

en ces termes : « Ces paysans ont été tués parce que, dans ce village, des paysans<br />

(1) Tous ces détails sont confirmés par la déposition de la veuve de Gustave Jacquet.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!