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été lié le premier, a été délié un peu après. L'encombrement de la route était<br />
tel qu'on nous a d'abord tous fait entrer, à l'exception du docteur Remy, dans<br />
la petite ruelle qui longe la maison Houbion-Diskeuve.<br />
Après quelque temps, nous recevons l'ordre de nous remettre en marche et<br />
nous prenons par la rue Saint-Jacques. C'est alors que, <strong>pour</strong> la dernière fois, nous<br />
avons aperçu le docteur Remy. Il se trouvait en face de la pharmacie Paquet et avait<br />
l'air tout perdu (t).<br />
Au coin de la rue Petite, devant la maison de la veuve Lahaye, nous voyons<br />
deux cadavres : celui d'Alexandre Vilain, boucher de la rue Petite, et celui d'un<br />
jeune homme de Dréhance, Alfred Sibret, venu à Dinant <strong>pour</strong> y chercher du pain (2).<br />
Nous avions beaucoup de peine à nous frayer un passage, car la rue était<br />
encombrée par les nombreux charrois qui descendaient et les nacelles que les<br />
Allemands véhiculaient <strong>pour</strong> la construction du pont. Avant de mettre le feu aux<br />
maisons, les soldats y prenaient tout ce qu'ils pouvaient emporter; aussi les<br />
voyait-on sortir chargés d'objets de toute sorte.<br />
Arrivés à la « Fosse Rapaille», sur la route de Ciney, on nous arrête tous et on<br />
parle de nous fusiller. C'est alors qu'un autre groupe de prisonniers vient rejoindre<br />
le nôtre; il se compose de la famille Becker, de M me Joseph Kinif, dont le mari<br />
vient d'être tué place Patenier (3), d'Alexis Puissant et sa femme, du magasinier de<br />
la Maison du Peuple avec sa femme, ses deux enfants et sa belles-soeur et de<br />
Catherine Bietlot (4).<br />
M. Becker, s'étant fait passer <strong>pour</strong> Luxembourgeois, jouissait d'un régime de<br />
faveur et n'avait pas les mains liées ; par contre, les coups pleuvaient sur la malheureuse<br />
Catherine Bietlot, qui tomba par terre et eut la lèvre fendue.<br />
Un peu plus loin encore, nous vîmes arriver Théophile Bouchât les mains liées,<br />
et le père Monard, âgé de 80 ans, sur ses bas, sans souliers, tout égaré et méconnaissable,<br />
tant la frayeur l'avait changé (5).<br />
(1) La femme Kinif qui a rejoint le groupe de prisonniers un peu plus tard, a dit à Catherine Bietlot qu'elle<br />
avait vu près de l'hôtel Saint-Jacques un homme étendu par terre, ayant un grand habit noir, un chapeau de<br />
paille et un brassard au bras. Ce devait être le D r Remy.<br />
Il semble probable, <strong>pour</strong> ne pas dire certain, que la mort du docteur Remy est consignée dans les<br />
annexes 16 et 17 du Livre Blanc. Tout fait supposer que c'est bien M. Remy « cet homme, avec le brassard de<br />
la Croix Rouge » qui est conduit par des soldats du t82 me au colonel Francke, et est accusé par eux d'avoir<br />
tiré sur les troupes allemandes. M. Remy déclare au colonel qu'il est docteur et celui-ci ne semble pas ajouter<br />
foi aux racontars de ses hommes, car il se contente de surveiller c < le prétendu médecin». Le caporal à qui cette<br />
charge avait été confiée, ne l'entendait pas ainsi, et quelque temps après, il vint rapporter au colonel « qu'au<br />
moment d'entrer dans le corridor de la pharmacie (Paquet, probablement), le médecin avait tout d'un coup<br />
couru dans la partie arrière de la maison et non dans le magasin situé à la rue ». « Sur quoi, se contente<br />
d'ajouter sans commentaire le colonel Francke, ils l'avaient tiré hors de la maison et fusillé. »<br />
(2) Ces deux victimes ont été tuées sous les yeux de Catherine Bietlot.<br />
(3) Catherine Bietlot a vu les Allemands tuer Joseph Kinif, sous les yeux de sa femme, devant la maison<br />
Fontaine. M. Becker qui, lui aussi, l'a vu tuer en face de chez lui, dit dans sa déposition qu'on l'a abattu d'un<br />
coup de revolver dans l'oreille.<br />
(4) Tout ce qui suit est en parfait accord avec les dépositions de Catherine Bietlot et de M. Becker.<br />
(5) Le samedi 22, M me Bouchât ayant passé l'eau, son mari Théophile se rendit chez les Monard, ses<br />
voisins de la rue Petite qui, à cause de leur grand âge, n'avaient pu s'en aller. Quand, le dimanche, vers<br />
11 heures, les Allemands sont entrés de force dans la maison, ils ont emmené les deux vieillards, laissant la