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documents pour servir a l'histoire

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voire même de travaux à exécuter, recherchèrent tous les hommes dispersés dans<br />

la maison et les engagèrent à se grouper près de l'officier (i). Plusieurs cependant se<br />

demandaient avec anxiété ce qu'on allait faire d'eux. L'officier, entouré de soldats,<br />

baïonnette au canon, tenait son revolver de la main gauche. Il demanda si tous les<br />

hommes étaient bien là (2). Sur une réponse affirmative, il leur dit : « Levez les<br />

bras! N'ayez pas peur! On ne vous fera pas de mal. Sortez. » Tous les hommes<br />

défilèrent alors devant lui : ils étaient quarante-trois. Il sortit lui-même le dernier<br />

en fermant la porte derrière lui.<br />

Une minute se passa, le temps de faire vingt-cinq à trente pas. Un cri d'effroi<br />

s'élève, dominant le bruit de la bataille. Il est poussé par ces quarante-trois hommes,<br />

et en même temps des coups de fusil retentissent en feu de peloton. C'en est fait.<br />

Tous sont tués sur la place de l'Abbaye, en face du mur blanc de la maison<br />

Servais (fig. 6).<br />

Devinant ce qui vient de se passer, je regarde par une fenêtre, et je vois tous<br />

ces hommes étendus, morts, la face contre terre, les bras en avant, pêle-mêle les<br />

uns sur les autres. Tous avaient été frappés par derrière, à la hauteur de la poitrine<br />

ou de la tête. On peut encore voir, après neuf mois (3), des traces de sang et de<br />

matière cérébrale sur le mur Servais.<br />

Pendant toute la matinée, arrivent à l'Abbaye des groupes de deux, trois, quatre<br />

personnes et plus encore, mais cette fois composés uniquement de femmes et d'enfants.<br />

C'est ainsi que je vois entrer JM me Victor Poncelet, accompagnée de ses<br />

sept petits enfants. La pauvre veuve me raconte qu'on a fusillé son mari sous ses<br />

yeux et en présence de ses enfants. La peine de cette malheureuse femme brise le<br />

cœur et l'on ne trouve pas les paroles nécessaires <strong>pour</strong> soulager une telle douleur<br />

!...<br />

Au fur et à mesure que nous arrivent de nouvelles prisonnières, nous n'apprenons<br />

pas seulement le nom des victimes qu'ont faites les balles allemandes, mais<br />

on nous dit aussi que la ville toute entière est devenue un grand brasier et que<br />

l'incendie se propage de plus en plus. Nous voyons, en effet, le ciel rouge de feu et<br />

nous sentons l'odeur acre de la fumée.<br />

Un peu après l'exécution du premier groupe d'hommes, un enfant de i3 à<br />

14 ans, portant le costume de boy-scout allemand, arrive dans la cour de l'Abbaye<br />

en criant : « On tire des fenêtres du couvent sur les soldats ! » Ce vulgaire mensonge<br />

excite la colère des officiers et des soldats, et, malgré les protestations énergiques<br />

du Révérendissime Père Abbé et de tous les religieux, l'Abbaye fut considérée<br />

comme un repaire de francs-tireurs.<br />

Vers midi, un officier du 178 e saxon se présente au Révérendissime Père et<br />

lui dit : « Vous allez verser 60,000 francs <strong>pour</strong> avoir tiré sur nos troupes.<br />

(1) Des épouses elles-mêmes encourageaient leur mari à se rendre à l'appel. M me Lion-Gonae va à la<br />

cuisine chercher son mari qui épluche des légumes.<br />

(2) Célestin Bon, un vénérable et vieux serviteur de la maison était à son poste à la porterie. Il avait<br />

74 ans. Les soldats veulent le forcer à suivre la colonne; les religieux s'interposent en disant que c'est un des<br />

leurs. L'officier alors lui fait signe de rester; mais un des derniers soldats le saisit par le bras et le pousse en<br />

avant. Il devait êtreja quarante-troisième victime de cette fusillade.<br />

(3) Ce rapport a été rédigé au mois de mai rgiS.

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