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documents pour servir a l'histoire

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222<br />

rester et à ne pas regagner l'autre rive. « Je ne le puis, répliqua-t-il, je tiens trop<br />

de vies entre mes mains. » Hétas! son sacrifice héroïque ne <strong>servir</strong>ait ni à lui ni aux<br />

siens, car, à peine de retour sur la rive droite, il devait, avec la plupart des habitants<br />

de son quartier, tomber sous les balles homicides.<br />

Vers 17 h. 3o, je me rendis compte que l'ennemi bombardait systématiquement<br />

les maisons étagées à mi-côte au-dessus de notre quartier, la villa de M. Dony<br />

(fig. 214, n 8 9) par exemple et celles des voisins (t). Je vis bientôt des habitations<br />

proches du presbytère prendre feu. C'étaient celles de M. Even, de M. Jacqmar et<br />

des Dauphin. J'appris plus tard que les Allemands les avaient systématiquement<br />

incendiées. Bientôt, nous entendîmes près de chez nous une vive fusillade et des<br />

cris aigus. Nous croyions à une rencontre entre soldats allemands et français. Nous<br />

ne nous doutions pas alors de la sanglante tuerie de l'aqueduc.<br />

Je crus plus prudent d'abandonner le presbytère, et, me servant de l'échelle<br />

qu'avait utilisée M. Bourdon, je me sauvai avec les miens dans les campagnes <strong>pour</strong><br />

gagner le bois voisin. Mais une patrouille allemande nous arrêta dans notre fuite,<br />

et, nous menaçant du revolver, nous fit redescendre. Ma nièce, parlant couramment<br />

l'allemand, parvint à calmer la fureur de nos gardiens qui nous rudoyèrent un<br />

peu moins.<br />

La nuit tombait, et il commençait déjà à faire noir. Arrivé au passage à niveau<br />

du chemin de fer, au lieu dit le « Charrau », je vis, sous la voûte très basse qui<br />

soutient la voie ferrée et aux abords, plusieurs cadavres. J'entendis aussi des blessés<br />

qui m'appelaient : « Ah I Monsieur le Curé, Monsieur le Curé ! » Bien que pressé<br />

par les soldats qui nous faisaient marcher vite, je me détachai du groupe. Je reconnus,<br />

parmi les blessés, Céline Toussaint et Louis Florin; je leur dis quelques mots<br />

et leur donnai l'absolution. Sur l'ordre bourru des gardiens, je dus les abandonner<br />

et rejoindre mon groupe.<br />

On nous conduisit, le long de la Meuse, jusqu'en face du Rocher Bavard.<br />

Je retrouvai là une grande partie de mes paroissiens, car je crois que nous fûmes<br />

parmi les derniers arrivants. Il pouvait être environ 21 heures. Tous ceux qui se<br />

trouvaient parqués en cet endroit ignoraient encore les terribles massacres du mur<br />

Bourdon, mais la plupart avaient déjà assisté à d'autres tueries sur la rive gauche,<br />

et ce n'étaient que lamentations, pleurs, plaintes et gémissements. Je fus prié de<br />

donner une dernière absolution à M lle Marguerite Gustin, blessée mortellement à<br />

l'aqueduc et que les Allemands avaient entraînée jusqu'ici. J'administrai également<br />

un soldat français ; d'autres prisonniers français, une vingtaine peut-être, se<br />

trouvaient tout près de nous.<br />

Un officier s'approcha de moi et me demanda si j'avais de l'argent. Je lui<br />

répondis affirmativement. Il revint quelque temps après et me demanda si<br />

j'avais des armes. Ma nièce lui répliqua en allemand que je n'en avais pas et<br />

qu'il pouvait me fouiller. « Genug, genug, » dit l'officier. Sur ces entrefaites,<br />

des soldats avaient mis le feu aux maisons voisines, à la seule fin de s'éclairer<br />

<strong>pour</strong> la construction du pont. Ils en avaient agi de même sur l'autre rive.<br />

(1) C'esl probablement alors que les deux frères Edouard et Octave Hardy furent frappés par des bombes<br />

en voulant fuir. L'épouse Hottelet (Georges Apolline) fut tuée chez elle par un obus dans l'après-midi.

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