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2.7°<br />
long et, sous la menace d'être fusillés, nous devons remettre tout notre argent dans<br />
des casques que des soldats font circuler dans les rangs (i).<br />
Après cette opération, le cortège se remet en marche. Des soldats jettent<br />
brutalement leur sac sur les épaules de quelques prisonniers. On passe devant le<br />
monceau de cadavres accumulés au pied du mur de mon jardin, mais beaucoup ne<br />
le virent pas et même ceux qui aperçurent quelque chose ne se rendirent pas un<br />
compte exact de la proportion de l'hécatombe. Cela s'explique et par l'obscurité qui<br />
régnait dans ce quartier, les maisons d'en face n'ayant pas été incendiées, et par<br />
l'état d'esprit de la plupart des prisonniers qui, après tous les événements dont<br />
ils avaient été les témoins, avaient peine à se ressaisir.<br />
Arrivés à la place Benjamin Devigne, on nous fait tourner à droite et nous<br />
escaladons la Montagne de la Croix. Là, encore, quelques-uns virent des cadavres<br />
isolés couchés à terre.<br />
Il est minuit environ lorsqu'on débouche sur le plateau d'Herbuchenne, où l'on<br />
nous fait camper à quelque distance de la ferme Marot qui brûle. Des bottes de<br />
paille <strong>pour</strong> nous coucher, et le silence est ordonné. Aux souffrances morales<br />
s'ajoute celle de la faim. La plupart d'entre nous sont, depuis le matin, entre les<br />
mains des Allemands, et aucune nourriture ne nous a été distribuée. Pour certains<br />
même, cette nui! fut un véritable martyre, car leurs blessures les faisaient horriblement<br />
souffrir et les soins les plus élémentaires leur étaient refusés.<br />
Le lundi matin, nous espérons que nous ne serons point fusillés, comme<br />
nous pouvions le craindre la veille au soir; un État-Major statuerait sur notre sort.<br />
Des bribes de conversation surprises chez les soldats nous font entrevoir la perspective<br />
d'une captivité en Allemagne (2.).<br />
Nos gardiens permettent à quelques prisonniers de se rendre à la ferme voisine<br />
<strong>pour</strong> y chercher de l'eau. A leur retour, ils racontent avoir vu plusieurs cadavres<br />
de civils (3).<br />
Le capitaine du 100 e d'infanterie, qui commande notre escorte, aperçoit, dans<br />
une pâture clôturée, un superbe étalon; il l'appelle, et, quand le cheval est près de<br />
lui, sans raison, <strong>pour</strong> le plaisir de mal faire, il le tue à bout portant d'un coup de<br />
revolver à la tête.<br />
Vers to heures, on nous donne un peu de soupe au riz, que nous puisons dans<br />
(i) A l'occasion de l'enquête faite à ce sujet en 191s, on sut que l'officier qui ordonna ce vol était le<br />
baron von Hammerstein, capitaine et commandant de compagnie au régiment n° too. (Voir fig, 207.) Car le<br />
« I. R. n° 100 » est le i er saxon.<br />
(2) i*I. Defoin, avec M. Sasserath, et un officier français comme interprète, a demandé audience au capi.taine<br />
au cheval blanc (von Hammerstein), qui a dit en allemand : « Dînant doit tout mourir, tout périr, tout<br />
brûler ». Sur la proposition d'une rançon de 100,000 francs : K Trop tard, ar-t^il ajouté, vous allez à Marche<br />
<strong>pour</strong> être jugés 1 »<br />
(3) Le cas des Frérotte, de la rue Leopold, est à signaler ici. Henri Frérotte déclare que son père Victor,<br />
qui était parmi les prisonniers, avait 72 ans; son frère Joseph, qui l'accompagnait, était malade depuis vingt<br />
ans. Henri intercéda <strong>pour</strong> eux auprès du capitaine, le suppliant de laisser retourner en ville son père et son<br />
frère : « Non, non, lui fut^il répondu, c'est égal, toujours bon <strong>pour</strong> faire deux morts ! » Ce n'est qu'à Hogne,<br />
profitant d'un moment où le capitaine paraissait plus accommodant, qu'il est parvenu à faire monter le vieillard<br />
et l'infirme sur un chariot. A Cassel, Joseph est resté à l'infirmerie et est mort peu de temps après son retour<br />
à Dinant.