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documents pour servir a l'histoire

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Le 2.3, au matin, nous nous trouvions réunis à dix dans la cave. Nous y sommes<br />

restés jusque dans l'après-midi, effrayés par le bruit du canon et de la fusillade,<br />

mais croyant à un combat régulier entre deux armées belligérantes, et ne soupçonnant<br />

pas le drame qui, depuis le matin, se déroulait à notre porte.<br />

Vers 14 heures, je venais de remonter avec M. Jacquet et nous avions aperçu<br />

dans la rue les soldats placés en tirailleurs, lorsqu'on vint violemment frapper à la<br />

porte. Je me disposais à ouvrir, lorsque les cris forcenés poussés par les soldats et<br />

les coups de hache donnés sur la porte, me firent prendre la fuite du côté du jardin.<br />

Sur ces entrefaites, tous ceux qui se trouvaient dans la cave étaient remontés et me<br />

suivirent.<br />

Nous avions, par prudence, adossé une échelle au mur qui sépare notre<br />

jardin de celui des Pères. Je montai la première et ma mère me suivit. Vint ensuite<br />

Lucienne Charlier qui précédait son grand'père. Celui-ci aidait sa femme à<br />

escalader le mur, lorsqu'une détonation se fit entendre. Les Allemands tiraient<br />

par dessus le mur qui sépare notre maison de l'Abbaye. Une balle traversa le poignet<br />

de M me Jacquet (1) et l'atteignit en plein cœur. Elle tomba à la renverse dans notre<br />

jardin.<br />

L'aînée des filles Charlier, Camille, grimpa à son tour sur l'échelle, mais à<br />

peine fut-elle arrivée au sommet du mur, qu'une nouvelle détonation retentit et une<br />

balle lui traversa la cuisse : elle retomba dans le jardin des Pères et se traîna tant<br />

bien que mal jusqu'à l'ouverture d'une cave où elle se cacha. Un soldat la <strong>pour</strong>suivit,<br />

mais ne lui fit plus aucun mal (2). M. Charlier en voyant les Allemands tirer, était<br />

parvenu à escalader le mur, et, retombé de l'autre côté, était resté étendu par terre<br />

faisant le mort. Les soldats, en effet, croyant voir un cadavre, passèrent outre.<br />

Devant ces scènes de carnage, la mère Charlier prit ses deux plus jeunes enfants<br />

et les fit passer dans le jardin voisin, d'où elles allèrent se blottir dans la cave du<br />

père Lissoir, et de là se rendirent dans la soirée à l'Abbaye. M me Charlier fut ellemême<br />

empoignée par les soldats qui la jetèrent au milieu de la rue. Un officier la<br />

releva, et la conduisit chez les Prémontrés.<br />

Les deux hommes, Alexandre Jacquet et son gendre Henri Charlier se trouvaient<br />

dans la propriété des Pères. De crainte de représailles de la part des Allemands,<br />

on leur conseilla de se cacher dans la montagne. A la tombée du jour ils s'y<br />

rendirent, en effet, mais le lendemain, pris par des patrouilles à la recherche des<br />

fuyards, ils furent fusillés et leurs corps enterrés dans la cour du couvent des Soeurs.<br />

Au sujet de la mort d'Alexandre Jacquet et d'Henri Charlier, dont<br />

il a été question dans le rapport précédent, voici ce que la veuve de<br />

celui-ci raconte dans sa déposition :<br />

N° 413. ^e lundi après-midi, on vint dire que les Allemands avaient pris mon père et<br />

mon mari. En effet, je les vois traverser la cour de l'Abbaye,, encadrés de soldats.<br />

Mon père marchait le premier, la tête baissée, il ne m'a pas vue. Mon mari, en<br />

(1) Hortense Saraain, 70 ans.<br />

(2.) Après quinze mois d'indicibles souffrances, Camille Charlier mourut, âgée de dix-neuf ans et demi.<br />

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