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documents pour servir a l'histoire

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mands avaient attaché un billet sur lequel se trouvaient écrits ces mots : Civil suspect<br />

plus une phrase en allemand. Le samedi, je vis arriver le docteur Albin Laurent qui<br />

parvint à arracher <strong>pour</strong> moi l'autorisation de me transférer à l'hôpital de la ville.<br />

On m'y conduisit le jour même et, le soir, le docteur Mabille me prodigua les<br />

premiers soins. Le lendemain, on me coupait la jambe... Je fus atteint du tétanos,<br />

j'eus quatre terribles hémorragies, plusieurs fois je fus laissé <strong>pour</strong> mort, mais enfin,<br />

avec la grâce de Dieu, après huit mois de soins assidus, mais aussi d'horribles<br />

souffrances, je pus quitter l'hôpital.<br />

N ° 485. Rapport de M. Fries, curé de Wefte.<br />

Toute la matinée du 23 août je la passai au presbytère, en compagnie de ma<br />

sœur, de ma nièce et de mes deux neveux, Charles et Maurice Fries. Nous entendions<br />

le bombardement qui faisait rage dans la direction de la fabrique. Ce fut le<br />

côté de Neffe qui eut le plus à souffrir pendant la matinée. Vers midi, une balle<br />

traversa un carreau de la cuisine où nous nous tenions, et nous fit comprendre qu'il<br />

serait plus prudent de descendre dans la cave.<br />

Vers 16 h. 3o, j'entends des pas dans le jardin et je vois arriver au presbytère<br />

M- Edmond Bourdon, des Rivages, la figure décomposée et tremblant de tous ses<br />

membres. Il veut parler, mais les mots n'arrivent pas à ses lèvres. Enfin, après<br />

quelques instants, il parvient à me dire : « Monsieur le Curé, excusez-moi, je suis<br />

envoyé par les Allemands <strong>pour</strong> venir dire de ne plus tirer sur eux. Ils m'ont fait passer<br />

l'eau dans une barquette à moitié remplie d'eau, et j'ai failli chavirer plusieurs fois.<br />

Etant dans la barquette, ils ont tiré sur moi, et voyez ma poche, elle est trouée par<br />

des balles. Aux Rivages, ils ont pris les femmes et les enfants. Je suis otage, mais<br />

je suis un homme perdu; je dois retourner auprès d'eux, car je tiens en main la vie<br />

de tous les miens. Dites-moi où je dois me rendre à Neffe <strong>pour</strong> dire aux gens de ne<br />

plus tirer. »<br />

Ces paroles, l'émotion et la douleur du vieillard, me firent une impression que<br />

je n'oublierai jamais. Je lui répondis : « Monsieur Bourdon, dites bien aux Allemands<br />

de ma part qu'aucun civil n'a tiré ici sur eux. Nous sommes tous dans nos caves. Dites<br />

leur que, seuls, les Français tirent des hauteurs. Quant à vous, ne repassez pas<br />

devant le presbytère, de crainte d'être trop exposé aux balles allemandes, mais<br />

rendez-vous au village en passant par mon jardin, derrière la maison. » Je le<br />

conduisis jusqu'au pied du mur, où j'appliquai une échelle. Arrivé de l'autre côté,<br />

avant de disparaître — je ne voyais plus que sa tête — ce malheureux me dit :<br />

« Monsieur le Curé, donnez-moi votre dernière bénédiction. » Alors, je le vis se<br />

découvrir et pencher la tête dans un profond recueillement. Je lui répondis : «Mon<br />

cher ami, repentez-vous de vos fautes, c'est l'absolution que je vous donne », et je<br />

prononçai la formule sacramentelle. « Merci, Monsieur le Curé, me dit-il, adieu! »<br />

Je ne le revis plus. Il alla chez M. Fabry (1), chez M. Mathieu, qui l'engagea même à<br />

(1) Voici ce que dit à ce sujet M me Eabry : « M. Bourdon est arrivé, demandant de ne pas tirer, bien<br />

convaincu cependant que ce n'étaient pas les civils qui faisaient le coup de {eu. Le pauvre homme était tout<br />

hors de lui : « Je n'ai qu'une demi-heure, disait-il, la vie de tant de gens dépend de moi. » Je l'ai frotté avec<br />

du vinaigre et je lui ai donné à boire. »<br />

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