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documents pour servir a l'histoire

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simplement <strong>pour</strong> leur faire exhiber leurs papiers. Aussi je quittai mon père,<br />

sans lui adresser une parole, ni même sans relever la tête <strong>pour</strong> le regarder,<br />

tant j'étais sûre que nous allions le revoir quelques instants après. Ma mère,<br />

qui ne voulait pas quitter son mari, en {ut séparée à coups de crosse, et, sous<br />

la menace du revolver, dut rejoindre le groupe des femmes.<br />

Arrivée sur la place de l'Abbaye, je vis près de la maison Servais une<br />

quantité de morts étendus pêle-mêle et, comme ils ne portaient pas l'uniforme<br />

militaire, je me demandais comment un si grand nombre de civils pouvaient<br />

avoir été tués. Ce n'est qu'en entrant chez les Pères, devant l'accueil compatis-sant<br />

et terrifié des religieux, que nous commençâmes à comprendre et à redoux<br />

ter l'horrible vérité. En effet, à peine étions-nous entrées de quelques instants<br />

que nous entendîmes les détonations.<br />

Nous n'y tenions plus, affolées, demandant en vain à nos compagnes<br />

de captivité la consolation qu'elles-mêmes recherchaient, nous vivions là les<br />

heures les plus tragiques de notre vie, dans l'incertitude du sort de ceux qui<br />

nous avaient été arrachés et que nous ne reverrions plus. Déjà plus d'une, que<br />

nous avions retrouvée à l'Abbaye, n'avait plus d'illusion possible, <strong>pour</strong> avoir vu<br />

perpétrer sous ses yeux le crime infâme. C'est ainsi que M me Poncelet nous<br />

annonça la mort de son mari tué devant elle et ses sept enfants, que M me Naus<br />

nous raconta comment son mari avait été abattu à ses pieds.<br />

Malgré la défense d'approcher de la porte, entendant sonner, j'y courus, et<br />

je revis l'officier, celui qui, déjà deux fois, m'avait assurée qu'on ne retenait les<br />

hommes que <strong>pour</strong> leur demander leurs papiers. Une troisième fois je lui posai la<br />

même question <strong>pour</strong> entendre toujours la même réponse et la porte se referma sans<br />

que je pusse en savoir davantage.<br />

La sanglante réalité ne devait que trop tôt, hélas, nous être révélée. L'exécution<br />

des trente et un hommes (t) pris à la fabrique avait été si rapide, que les femmes<br />

qui se trouvaient à l'arrière de notre groupe, purent encore voir les hommes<br />

rangés <strong>pour</strong> la fusillade et quelques-unes même les virent tomber. Maria Gaudinne,<br />

veuve d'Henri Blanchard, vit mon père entre trois soldats allemands, et aperçut<br />

Désiré Louis tenant ses deux fils dans ses bras. Cette même femme entendit mon<br />

père dire à un officier : « Grâce, Monsieur, ce n'est pas seulement <strong>pour</strong> moi,<br />

mais <strong>pour</strong> tous ces pauvres ouvriers, pères de famille, laissez-nous la vie sauve,<br />

je vous donne toute ma fortune. » Mais il lui fut répondu : « Ce n'est pas de l'argent<br />

qu'il nous faut, c'est du sang ! » Yolande Croïn, qui est entrée la dernière chez<br />

les Prémontrés a vu les soldats tirer sur les hommes et ceux-ci tomber les uns sur<br />

les autres.<br />

§ 9. — La Section de Devant-Bouvignes.<br />

La Manufacture de Tissus de Leffe forme en quelque sorte un triangle<br />

rectangle dont l'hypoténuse serait constituée par la rue Camille Henry<br />

(fig. 2.10). Dinant se rattache par cette artère à la commune de Bouvignes.<br />

(1) Dont 24 ouvriers de l'usine.<br />

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