19.07.2013 Views

documents pour servir a l'histoire

documents pour servir a l'histoire

documents pour servir a l'histoire

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

220<br />

Nous n'y étions que de quelques minutes à peine, que nous voyons cinq ou six<br />

soldats allemands, venant de la Meuse, monter la ruelle et se diriger vers nous.<br />

Arrivés à quatre ou cinq mètres au plus de l'aqueduc, ils se mettent à tirer sur<br />

nous, toutes leurs balles faisant des victimes dans le tas compact des civils entassés<br />

les uns sur les autres. Ceux qui ne sont pas atteints sur le coup poussent des cris<br />

d'horreur qui étouffent les plaintes des blessés et les gémissements des mourants.<br />

Non contents de cette première fusillade, les soldats escaladent la voie ferrée et,<br />

à l'autre orifice du trou, ils se mettent à jeter sur nous des grenades et des bombes<br />

à main. Ils en jettent également au milieu par les trous qui se trouvaient dans la<br />

voûte (i).<br />

J'avais eu le pied gauche presque arraché par une de ces grenades, et, la<br />

douleur m'ayant fait pousser un cri, ma femme me demanda si j'étais blessé. Sur<br />

ma réponse affirmative, elle m'embrasse et, au même moment, une balle la frappe<br />

mortellement. Elle tombe sur moi, tuée raide... (fig. 184). Elle tenait dans ses<br />

bras son fils qui n'eut heureusement rien.<br />

Un peu plus tard, les Allemands ordonnent à mon frère Raoul et à Constant<br />

Pollet de relever les blessés, et c'est ainsi qu'ils me retirent du tas de cadavres et<br />

me placent sur un matelas, qu'on installe sur le remblai du chemin de fer, car il<br />

m'était impossible de marcher si peu que ce fût. Ma mère, qui prit dans ses bras<br />

mon fils, s'en alla avec les autres prisonniers.<br />

Maurice Charlier, blessé lui aussi, avait été placé à côté de moi. Il mourut au<br />

milieu de la nuit. Tout près de moi se trouvaient aussi Jean Bourguignon, qui<br />

succomba le lundi de grand matin, et Aline Monin, ma cousine, qui survécut à ses<br />

nombreuses blessures. Vers minuit, un officier allemand nous procura un peu<br />

d'eau. Les maisons continuaient à brûler, notamment celle du garde^barrière et<br />

celle de M. Toussaint. Pendant ce temps, l'infanterie s'avançait doucement, suivie<br />

bientôt de l'artillerie. J'ai dû me reculer de quelques centimètres <strong>pour</strong> ne pas être<br />

écrasé par les lourdes roues des canons.<br />

Le lundi matin, Jeanne Monin, accompagnée de deux soldats allemands, vint<br />

chercher sa sœur Aline qu'elle fit transporter chez les Clarisses (2). Quelque<br />

temps après, Edmond Toussaint, le garder-barrière, vint à passer et, n'écoutant que<br />

son courage, il alla chercher une brouette, m'y installa et me conduisit également<br />

chez les Sœurs Clarisses. A proximité du couvent, mon charitable compagnon et<br />

moi, nous fûmes sur le point d'être achevés par des soldats allemands (3).<br />

Depuis le lundi jusqu'au samedi soir, je suis resté sans soins médicaux, à part<br />

quelques piqûres de morphine que m'administra un caporal allemand. Chaque fois<br />

que le docteur entrait dans la salle où je me trouvais, je lui demandais d'examiner<br />

mes blessures qui me faisaient de plus en plus souffrir, et toujours il me répondait :<br />

« morgen », demain ! Et, le lendemain, je recevais la même réponse. Je connus enfin<br />

la raison de ces procédés si barbares : au-dessus du grabat où je reposais, les Aile»'<br />

(1) L'aqueduc était en reconstruction et une partie du centre encore non achevée était à jour.<br />

(1) Huit jours après, elle fut conduite à l'hospice, où elle resta neuf mois en traitement. Elle en sortit<br />

le 8 juin 1915 <strong>pour</strong> se rendre à Namur, à l'hôpital, où on l'opéra jusque trois fois. Elle y est reatée jusqu'au<br />

14 février 1916.<br />

(3) Ce détail est confirmé par M. l'abbé Aubinet, aumônier des Clarisses, qui vit la scène.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!