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documents pour servir a l'histoire

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Nous apercevons une grande barque qui quitte la rive opposée et s'avance vers<br />

nous. Un officier alors, tenant en main une baïonnette, s'en sert <strong>pour</strong> opérer une<br />

séparation dans le groupe des prisonniers. Il en met sur le côté quarante^cinq qui<br />

passeront l'eau et en réserve une dizaine qui resteront sur la rive gauche. Il nous<br />

compte encore une seconde fois et en fait avancer une bonne vingtaine, vingt^cinq<br />

peut-être, près du garde^corps, <strong>pour</strong> prendre place dans la première barquette. Je<br />

fus de ce nombre, ainsi que tous les miens. Avec nous se trouvaient, <strong>pour</strong> autant que<br />

je puis m'en rappeler, les familles Pollet, Morelle, Baujot, Lecomte et Martin. Cinq<br />

ou six soldats nous accompagnaient qui causaient entre eux. Les prisonniers s'étaient<br />

tous étendus dans la barque <strong>pour</strong> être moins exposés aux balles, car les Français<br />

tiraient encore. Auguste Pollet se risque à demander à un soldat ce qu'on va faire<br />

de nous. Je vis celui-ci <strong>pour</strong> toute réponse prendre en main une cartouche et la lui<br />

mettre à la tempe. A partir de ce moment*-!! je compris. Les autres, heureusement,<br />

n'avaient pas remarqué le geste.<br />

Débarqués sur l'autre rive, nous nous trouvons entourés d'une foule compacte<br />

de soldats allemands qui nous dévisagent et se moquent de nous. La vue des femmes<br />

et des enfants, des bébés même, ne leur inspire aucune pitié, et c'est au milieu de<br />

cette soldatesque que nous devons avancer les bras toujours levés. On nous joint à<br />

un groupe d'habitants des Rivages qui se trouvaient devant la maison de M. Bourdon.<br />

A ce moment, un grand officier est venu nous haranguer et nous a dit en<br />

substance : « Vous tous, francs^tireurs, et tous vous avez tiré sur nos soldats. Si les<br />

Français tirent encore une seule fois, tous sans exception, hommes, femmes et<br />

enfants, vous serez tous tués ! » Puis on nous conduisit dans la direction du Rocher<br />

Bayard, presque en face de l'endroit où nous avions débarqué.<br />

Nous sommes restés là dix minutes environ. A^on déjà tiré à ce moment, je<br />

ne saurais l'affirmer, on était tout perdu, mais je me rappelle que, sur l'ordre du<br />

même officier, dont j'ai déjà parlé, les soldats nous rangent contre le mur du jardin<br />

Bourdon. C'est à ce moment qu'arriva la barque chargée du second groupe des<br />

prisonniers de Neffe, une vingtaine de personnes parmi lesquels la famille Collard,<br />

une partie encore de la famille Morelle, M me Genon et sa petite de 19 mois,<br />

M. et M me Marchot et leur enfant de 2. ans, Félicie Toussaint (fig. 156), la chaisière<br />

de Neffe, M. et M me Fivet et leur petite Mariette de trois semaines! Ces nouveaux<br />

arrivés sont brutalement mis à nos côtés, de sorte que nous formons une ligne assez<br />

considérable. Les mères portent leurs bébés, qui crient, tandis que les aînés s'accro^<br />

chant à leur jupon, leur demandent en pleurant : « On ne va pas nous tuer, maman? »<br />

Quant à moi, je tenais ma mère par le bras et mon frère, qui portait le petit Maurice,<br />

se tenait à côté de maman avec sa femme.<br />

En face de notre groupe, vingt à vingt^cinq soldats étaient rangés, le fusil<br />

braqué sur nous, prêts à tirer. Un officier, toujours le même, revolver au poing,<br />

nous donna ordre de nous mettre à genoux, puis, s'écartant quelque peu, il cria<br />

d'une voix sèche : « Feu ! »<br />

Je ne m'étais pas mise aussitôt à genoux, et je fus renversée par les cadavres<br />

de mon frère et de ma belle^sœur qui tombèrent sur moi. Tous deux, ainsi que leur<br />

enfant, avaient été tués sur le coup. Je sentis également s'appesantir sur moi les<br />

cadavres de Julie Deskeuve et de Joseph Marchot, mes voisins de gauche.

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