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documents pour servir a l'histoire

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§ 5. — Au Moulin d'Alprée (i).<br />

Avant de continuer notre récit, voyons ce que sont devenus les femmes<br />

et les enfants qui avaient été rassemblés dans la cour de la papeterie<br />

Ravet et notamment dans la maison de Julia Bulens. Nous empruntons ce<br />

rapport à Mathilde Delaey.<br />

N° 406. Le dimanche, vers t8 heures, on nous a fait sortir quatre par quatre <strong>pour</strong> nous<br />

conduire au moulin d'Alprée (fig. 7). Le long du chemin, surtout en face de la<br />

maison Migeotte, nous avons aperçu des tas de cadavres. Plusieurs d'entre nous<br />

ont pu reconnaître parmi les fusillés des parents, mais pas tous, car les Allemands<br />

avaient recouvert la plupart de leurs victimes d'un drap (2). Au moulin d'Alprée,<br />

on nous a répartis dans les différentes maisons de M mc Coppée. Quant à moi, j'ai<br />

dû me rendre dans celle de la veuve Disy-Delaey, ma tante.<br />

Les soldats qui avaient préparé sur une table de grands morceaux de toile (des<br />

nappes et des draps de lit qu'ils nous avaient volés), les découpaient en bandes <strong>pour</strong><br />

nous lier les mains, sauf à celles qui portaient encore des bébés dans les bras. En<br />

voyant les soldats rudoyer sa mère et lui lier les mains, la petite Monin, dont le<br />

père venait d'être tué, s'est jetée à genoux à leurs pieds en criant : « Pardon, Monsieur,<br />

je dirai bien mes prières, je serai bien sage, Monsieur, mais ne liez pas les<br />

mains de maman ». Les bourreaux se laissèrent fléchir par ces tendres supplications<br />

et la veuve Monin ne dut pas subir le sort de ses compagnes.<br />

Une lampe à pétrole, projetant une clarté indécise, fut allumée dans la place<br />

où nous étions détenus prisonniers. Défense nous était faite de descendre dans<br />

les caves, de monter au grenier, de nous disputer ou même de parler. Comment<br />

faire taire tous ces petits enfants qui mouraient de faim et de soif et à qui la souffrance<br />

et la peur arrachaient des cris déchirants?<br />

De temps en temps un officier venait nous rendre visite dans notre prison et,<br />

tout en nous adressant des reproches, proférait à notre égard les pires menaces;<br />

l'un d'entre eux ne cessait de nous répéter : « Vous autres, si nous passons la<br />

Meuse, vous aurez la vie sauve, mais vos maris, tous fusillés, il n'y en a pas un qui<br />

restera. » La plupart, hélas! avaient déjà vu le leur tomber sous la balle homicide.<br />

Quelques-uns ajoutaient : « Il faut brûler ces sales femmes belges, leurs maris ont<br />

tué nos soldats. » Ce qui rendait cette menace plus terrifiante, c'étaient les apprêts<br />

d'incendie. Des soldats, en effet, avaient reçu ordre de déposer le long des maisons<br />

des bottes de paille.<br />

Le lundi matin, un officier est venu nous couper les bandes de toile qui liaient<br />

nos mains et, dans le courant de la journée, on nous a apporté des carottes et quelques<br />

pommes de terre. Des soldats distribuaient des bonbons aux enfants. Une plus<br />

(1) D'après l'étymologie « à l'Prée B (wallon)-<br />

(ï) Confirmé par les témoignages de la veuve Jacquet, de la veuve d'Henri Monin et de Léonie Dubois,<br />

veuve d'Alzir Warnant qui déclare qu'elle a reconnu sur le chemin le cadavre de son mari, ceux de son<br />

père Joseph Dubois, de ses beaux-frères Urbain et Félix Warnant, d'Armand Paquet et d'Henri Monin.<br />

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