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documents pour servir a l'histoire

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9«<br />

Ce n'est, en effet, que vers 20 heures, que, de notre cachette, nous vîmes des soldats<br />

dans la maison. Un peu plus tard, il pouvait être environ 22 heures, une cinquantaine<br />

de ces énergumènes sont entrés dans le magasin et y ont tout pillé (1). Ne<br />

sachant trop que devenir, nous décidons de nous rendre à eux, ne pouvant supposer<br />

le sort terrible qui nous attendait. Je m'avance la première, munie d'une lampe<br />

à pétrole, et je demande à un soldat que j'aborde si nous pouvons rester là. « Non,<br />

non, me dit-il, partez! partes! » Je communique cette réponse aux miens et nous<br />

voilà tous sortis de notre cave.<br />

En arrivant sur la place, nous constatons que les abords de la Meuse sont couverts<br />

de soldats et que les maisons environnantes brûlaient déjà toutes. Ne sachant<br />

de quel côté nous diriger, nous suivons la femme Thibaut qui se rendait vers sa<br />

maison, rue Camille Henry, n° 65, d'autant plus qu'on ne voyait pas d'Allemands<br />

dans cette rue.<br />

J'ouvrais la marche, toujours avec mon quinquet allumé. Arrivés près du vieux<br />

cimetière, apercevant un grand nombre de soldats, nous voulons rebrousser chemin,<br />

mais ils nous font signe d'approcher et nous obligent à lever les bras. Laure Pierroux,<br />

ne voulant pas abandonner son petit et devant obtempérer à l'ordre des Allemands,<br />

attache son enfant sur son dos et parvient ainsi à tenir les bras levés. Les soldats<br />

arrachent à la femme Delvigne le chapelet qu'elle tenait entre les mains. Nous<br />

avions à peine dépassé l'abbaye des Prémontrés, qu'on cria : « Halte! », juste en<br />

face de la maison Texhy. L'officier qui nous accompagnait alla parlementer avec un<br />

autre officier assis dans une auto. L'arrêt de mort de nos hommes fut probablement<br />

prononcé à ce moment, car, de retour près de nous, l'officier donna ordre aux<br />

soldats de séparer les hommes des femmes. Celles-ci, avec les enfants, furent<br />

repoussées derrière la pompe, contre la maison Lissoir (fig. 210, n° 3o), tandis qu'à<br />

quelques mètres plus loin, six coups de feu couchaient par terre les six hommes.<br />

Le petit Delvigne, de 12 ans, avait été pris avec son père <strong>pour</strong> être tué, mais, au<br />

dernier moment, on l'épargna et, tout en larmes, l'enfant vint se jeter dans les bras<br />

de sa mère en criant: « Je suis revenu, maman, mais papa est mort! » Folles de<br />

douleur et d'épouvante, nous ne savions où aller, lorsqu'à coups de crosse les<br />

soldats nous poussent vers l'Abbaye en disant : « Allez, les femmes, chez les Pères<br />

blancs. » En entrant chez les Prémontrés, ma lampe brûlait encore (2).<br />

(i) De quelles troupes s'agît-il ici? Très probablement — comme nous l'avons déjà rapporté — du 177 e ,<br />

qui arriva de Houx vers cette heure-là. Et, en effet, le Livre Blanc déclare que, vers minuit, le îieutenant^colonel<br />

von Zeschau, du 177 e , fit encore fusiller des civils. Il s'agit vraisemblablement des six hommes en question, les<br />

dernières victimes de la journée. (Aperçu général, p. îao.)<br />

(2) La veuve de Jules Delvigne termine sa déposition par ces mots : « Ils ont volé tout ce que les hommes<br />

avaient sur eux ; mon mari avait sur lui ÎOO francs qui lui ont été pris. Quand je suis sortie de l'Abbaye, ma<br />

maison était détruite et j'avais <strong>pour</strong> vivre 5 francs que j'avais sur moi ».<br />

Il s'agit probablement des massacres que nous venons de rapporter dans le passage suivant du Carnet du<br />

soldat Philipp, de le i re comp. du 1 er bat. du R. I. 178 e : « A l'entrée du village (Leffe), gisaient environ cinquante<br />

bourgeois, fusillés <strong>pour</strong> avoir, par guet-apens, tiré sur nos troupes. Au cours de la nuit, beaucoup<br />

d'autres furent pareillement fusillés, si bien que nous en pûmes compter plus de deux cents. Des femmes et des<br />

enfants, la lampe à la main, furent contraints à assister à l'horrible spectacle. Nous mangeâmes ensuite notre<br />

riz au milieu des cadavres, car nous n'avions rien mangé depuis le matin. » J. BÉDIER : Les Crimes allemands<br />

d'après des témoignages allemands, p. 11.

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