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documents pour servir a l'histoire

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Depuis 1903, l'abbaye de Leffe hébergeait les chanoines de l'ordre<br />

de Prémontré du monastère de Saint-Michel de Frigolet, dans les<br />

Bouches-du-Rhône (France) (1). Le récit qu'on va lire est dû à la plume<br />

du Père Adrien Borrelly, prieur de l'Abbaye en 1914, actuellement élevé<br />

à la dignité abbatiale.<br />

N° 417. Le a3 août, vers 7 heures du matin, les soldats allemands arrivèrent sur la<br />

place de l'abbaye. Brisant les portes, et pénétrant ainsi de force dans les maisons,<br />

ils en chassaient les habitants qu'ils nous amenèrent par groupes en les terrorisant<br />

et en les obligeant de tenir les bras levés.<br />

Nous pensions encore à ce moment-là que c'était une pensée d'humanité qui<br />

poussait nos ennemis à mettre à l'abri les non-combattants, et les plus pessimistes<br />

s'imaginaient que le couvent avait été estimé assez vaste et assez sûr <strong>pour</strong> contenir<br />

toute la population civile prisonnière. On ne se doutait pas que, <strong>pour</strong> la plupart des<br />

hommes, c'était la dernière étape avant l'exécution sommaire et brutale et qu'à nos<br />

portes allait se dérouler un drame sanglant qui coûterait la vie à plus de cent victimes<br />

!<br />

Vers 9 heures, le cloître abritait déjà plus de trois cents personnes affolées.<br />

Parmi elles se trouvaient des malades pouvant à peine se traîner ou portés par des<br />

parents; des femmes blessées déjà, des mères avec leurs nourrissons; d'autres traînant<br />

ou portant leurs enfants, arrivaient en criant, les yeux égarés, grandis par<br />

l'effroi, les cheveux en désordre, souvent à peine vêtues. Les hommes semblaient<br />

anéantis, affaissés, et les sentiments de terreur qui remplissaient leur âme se trahissaient<br />

sur leur visage (2).<br />

C'était dimanche. Le curé de Leffe, l'abbé Baelde, aumônier militaire, avait<br />

quitté sa paroisse depuis les premiers jours de la mobilisation. Le Père Joseph,<br />

vicaire, n'avait pu, à cause du combat qui s'était engagé de grand matin, dire la<br />

messe à la paroisse. Il la dit à l'Abbaye un peu après 9 heures, au bruit de la<br />

mitraille et du canon. Tous les prisonniers y assistèrent et y prièrent avec ferveur.<br />

Presque tous les hommes qui allaient mourir moins d'une heure après, communièrent,<br />

grâce à une heureuse inspiration du Père Joseph. Il leur dit — sans peutêtre<br />

croire parler si juste — que la mort était menaçante, et qu'en pareil danger la<br />

communion en viatique pouvait leur être accordée. Hélas! la mort était à la porte de<br />

l'Abbaye et attendait ses victimes.<br />

Quelque temps après, en effet, il pouvait être environ io heures, un officier<br />

vint dans le cloître et donna ordre de rassembler tous les hommes. Les religieux,<br />

persuadés qu'il s'agissait d'un appel, d'un contrôle quelconque ou d'avis à recevoir,<br />

(t) Le faubourg de Leffe possédait au XI e siècle une église, dont le comte de Natnur fit donation en n5z<br />

à l'abbaye de Ftoreffe. Le nouveau monastère fut érigé en abbaye en tzoo. En 1794, l'Abbaye fut pillée et saccagée<br />

par les troupes révolutionnaires et l'église détruite en i8t5. (Voir Monasticon belge, par D. Berlière,<br />

t. I, p. 114.)<br />

(i) C'est ainsi que nous arriva la vieille Virginie Disy, femme de Jacques Disy, qui venait d'être tué chez<br />

lui. Cette femme aveugle, ayant été chassée de ches elle par les Allemands, se traîna péniblement jusqu'à<br />

l'Abbaye en se tenant aux murs.<br />

8t<br />

6

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