Hyperlien - Les Classiques des sciences sociales

On ne s'étonnera donc pas du mouvement actuel qui s'amorce
dans la pédagogie du français. Après plusieurs dkennies passées
sous le mot d'ordre «priorité à l'oral », on assiste ii un retour en
force de l'écrit, trop délaissb pour ne pas dire sacrifié. Dans l'bducation
des déficients auditifs, les praticiens de la méthodes verbotonde
eux-memes révisent leur position et se rendent compte que la
recherche acharnée de la qualité phonétique de la parole a trop affecté
l'objectif pédagogique de l'accks à la langue écrite.
P. Ricoeur, dans « Evénement et sens dans le discours », rappelle
que i'kriture fixe la parole en la soustrayant A la disparition,
l'ouvre sur un monde qui l'arrache à la seule situation de dialogue et
à la simple intentionnalité du locuteur, lui donne enfin une audience
illimitée. Ces fonctions, la LSF, langue orale, ne les assure pas, ou
pas au même degré.
Fourrait-on concevoir une scolarisation qui ferait I'impasse de
l'écrit, de la trace &rite, de la structuration des idées et de leur verbalisation
par l'écrit ? Malgré les moyens audio-visuels mis actuellement
il la disposition des sourds, on sait bien qu'un individu privé de
l'écrit n'aura que médiocrement accès à l'information, au savoir, au
mouvement des faits et des idées de son temps (que I'on songe par
exemple au rôle du Braille pour les aveugies). D'ailleurs, la personnes
sourde qui utilise un téléphone adapté ou un ordinateur, qui
demande le sous-titrage des films ou des émissions téltsvisées, qui
milite dans une association et publie une revue, cette personne se
sert quotidiennement de l'écrit, et cet écrit est nécessairement Pt'criture
du français. L'EXISTENCE DE L'ECR~]. FONDE POUR LA LANGUE!
FRANÇAISE UN MPEMmF DE PRIMAUTE.
Dans cette perspective, la maîtrise de la langue française parlée
et écrite est un droit imprescriptible qui ne saurait être refusé aux
sourds. Si l'acquisition de la parole (la démutisation) exige beaucoup
de travail, elle permet cependant, quand elle est bien menée, d'atteindre
un niveau d'intelligibilité utilisable - ce qui n'implique pas
pour autant que la situation de dialogue ou de réception de la langue
parlée soit une situation confortable pour le déficient auditif ni pour
son interlocuteur. Mais l'objectif le plus important, et le plus ardu,