Hyperlien - Les Classiques des sciences sociales

II y a des langues orgueilleuses et wnquérantes qui semblent
marquées du sceau de l'universakme. Telle est du moins la façon
dont les vivent les communaut6s de ceux qui les parlent. Ceux-ci donnent
volontiers leur langue. Ils l'exportent. Mieux, 2s pensent que ce
peut être un bienfait pour les autres qu'on la leur impose. Le français
fut longtemps le prototype d'une telle langue. Qu'on pense aujourdlhui
B l'anglais.
Il y a, à l'opposé, les lanpes des mhoritBs ayant l'evérienee
historique du mépris et de l'oppression. te yiddish ou les parlers tziganes
par exemple. Des langues qu'on garde jalousement pour soi.
Qui ne s'enseignent pas. Elles ne sont connues que de quelques rares
personnes n'appartenant pas h ces communaut6s. Et l'on se méfie
toujours de qui, n'annonçant pas la couleur et y ayant recours, se r4-
vkle ne pas partager par naissance le destin de la communaut4 de
ceux qui fa parlent.
La langue des signes, dans la situation que je dbcris, appartient à
cette catégorie de langue. Eile a toutes les caractQistiques d'une
langue de ghetto. Les sourds, à vrai dire, voient en elle alors quelque
chose d'un peu différent d'une langue à proprement parler. C'est un
mode de communiquer particulièrement original et qui (tout en
ayant virtuellement une vocation universaliste) leur serait en réalité
inhérente : les entendants seraient, par nature, incapables à jamais
d'en acquérir vraiment la maîtrise.
Quant aux murs de ce ghetto, ifs s'6févent à l'ininrieur même du
monde des sourds, séparant ceux qui font les gestes et ceux qui mettent
leur point d'honneur à surtout nkn rien savoir.
Des murs faits d'ignorance rtsciproque, de mépris, de reproches
et, je crois savoir, de bien des peurs aussi.