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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 114<br />

autre espèce, espèce, à les en croire, opprimée, faible, qui doit avoir son recours à la<br />

ruse, mais qui garde aussi son orgueil très tenace, très méprisant. Dans quelques-unes<br />

de nos provinces, le laboureur s'estime de beaucoup meilleur sang et de plus vieille<br />

souche que son ancien seigneur. L'orgueil de famille, chez certains paysans, égale<br />

aujourd'hui, pour le moins, ce qu'on observait dans la noblesse du moyen âge 1 .<br />

Qu'on n'en doute pas, le fond de la population française n'a que peu de points<br />

communs avec sa surface ; c'est un abîme au-dessus duquel la civilisation est suspendue,<br />

et les eaux profondes et immobiles, dormant au fond du gouffre, se montreront,<br />

quelque jour, irrésistiblement dissolvantes. Les événements les plus tragiques ont<br />

ensanglanté le pays, sans que la nation agricole y ait cherché une autre part que celle<br />

qu'on la forçait d'y prendre. Là où son intérêt personnel et direct ne s'est pas trouvé en<br />

jeu, elle a laissé passer les orages sans s'y mêler, même par la sympathie. Effrayées et<br />

scandalisées à ce spectacle, beaucoup de personnes ont prononcé que les paysans<br />

étaient essentiellement pervers ; c'est tout à la fois une injustice et une très fausse<br />

appréciation. Les paysans nous regardent presque comme des ennemis. Ils n'entendent<br />

rien à notre civilisation, ils n'y contribuent pas de leur gré, et, en tant qu'ils le peuvent,<br />

ils se croient autorisés à profiter de ses désastres. Si on les considère en dehors de cet<br />

antagonisme, quelquefois actif, le plus souvent inerte, on ne révoque plus en doute que<br />

de hautes qualités morales, quoique souvent très singulièrement appliquées, ne résident<br />

chez eux.<br />

J'applique à toute l'Europe ce que je viens de dire de la France, et j'en infère que,<br />

pareil en ceci à l'empire romain, le monde moderne embrasse infiniment plus qu'il<br />

n'étreint. On ne peut donc accorder beaucoup de confiance à la durée de notre état<br />

social, et le peu d'attachement qu'il inspire, même dans des couches de population<br />

supérieures aux classes rurales, m'en paraît une démonstration patente. Notre civilisation<br />

est comparable à ces îlots temporaires poussés au-dessus des mers par la<br />

puissance des volcans sous-marins. Livrés à l'action destructive des courants et<br />

abandonnés de la force qui les avait d'abord soutenus, ils fléchissent un jour, et vont<br />

engloutir leurs débris dans les domaines des flots conquérants. Triste fin, et que bien<br />

des <strong>races</strong> généreuses ont dû subir avant nous ! Il n'y a pas à détourner le mal, il est<br />

inévitable. La sagesse ne peut que prévoir, et rien davantage. La prudence la plus<br />

1 Il s'agissait, il y a très peu d'années, d'élire un marguillier dans une très petite et très obscure<br />

paroisse de la Bretagne française, cette partie de l'ancienne province que les vrais Bretons appellent<br />

le pays gallais. Le conseil de fabrique, composé de paysans, délibéra pendant deux jours sans<br />

pouvoir se décider à faire un choix, attendu que le candidat présenté, fort honnête homme, très bon<br />

chrétien, riche et considéré, était pourtant étranger. On. n'en démordait pas, et pourtant cet étranger<br />

était né dans le pays, son père également ; mais on se souvenait encore que son grand-père, mort<br />

depuis longues années et que personne de l'assemblée n'avait connu, était venu d'ailleurs. – Une fille<br />

de cultivateur-propriétaire se mésallie quand elle épouse un tailleur, un meunier eu même un fermier<br />

à gages, fût-il plus riche qu'elle, et la malédiction paternelle punit souvent ce crime-là. Ne sont-ce<br />

pas des opinions bien chapitrales ?

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