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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 359<br />

produire, pour les hommes et pour les sociétés, une doctrine politique et religieuse qui<br />

se pique d'être basée uniquement sur la morale et la raison.<br />

Bientôt l'expérience démontre combien cette prétention est vaine et creuse. Comme<br />

le bouddhisme, la doctrine incomplète veut réparer sa faute en se donnant, après coup,<br />

des fondements. Il est trop tard, elle ne crée qu'absurdités. Procédant à l'inverse de ce<br />

qui se voit dans les véritables philosophies, au lieu de faire que la loi morale découle de<br />

l'ontologie, c'est, au contraire, l'ontologie qui découle de la loi morale 1 . De là, encore<br />

plus de non-sens, s'il est possible, que dans le brahmanisme dégénéré, qui en contient<br />

tant. De là, une théologie sans âme, toute factice, et les niaiseries du cylindre de<br />

prières, qui, placardé de manuscrits d'oraisons et mis en rotation perpétuelle par une<br />

force hydraulique, est censé envoyer au ciel l'esprit pieux contenu sous les lettres, et en<br />

réjouir les intelligences suprêmes 2 . À quel point d'avilissement tombe bientôt une<br />

théorie rationaliste qui s'aventure hors des écoles et va entreprendre la conduite des<br />

peuples ! Le bouddhisme le montre pleinement, et l'on peut dire que les multitudes<br />

immenses dont il dirige les consciences appartiennent aux classes les plus viles de la<br />

Chine et des pays circonvoisins. Telle fut sa fin, tel est son sort actuel.<br />

Le brahmanisme ne fit pas que profiter des infirmités et des fautes de son ennemi.<br />

Il eut aussi des bénéfices d'habileté, et il suivit, en ces circonstances, la même politique<br />

dont il avait déjà usé avec succès lors de la révolte des kschattryas. Il sut pardonner et<br />

accorder les concessions indispensables. Il ne voulut pas violenter les consciences ou<br />

les humilier. Il imagina, au moyen d'un syncrétisme accommodant, de faire du bouddha<br />

Sakya-mouni une incarnation de Vischnou. De cette façon, il permettait à ceux qui<br />

voulaient revenir à lui de toujours vénérer leur idole, et leur épargnait ce que les<br />

conversions ont de plus amer, le mépris de ce que l'on a adoré. Puis, peu à peu, son<br />

panthéon accueillit beaucoup de divinités bouddhiques, avec cette seule réserve, que<br />

ces dernières venues n'occupèrent que des rangs inférieurs. Enfin il manœuvra de telle<br />

sorte qu'aujourd'hui le bouddhisme est aussi bien non avenu dans l'Inde que s'il n'y<br />

avait jamais existé. Les monuments sortis des mains de cette secte passent, dans<br />

l'opinion générale, pour l'œuvre de son rival heureux 3 . L'opinion publique ne les<br />

dispute pas au vainqueur, tellement que l'adversaire est mort, sa dépouille est restée<br />

aux brahmanes, et le retour des esprits est aussi complet que possible. Que dire de la<br />

puissance, de la patience et de l'habileté d'une école qui, après une campagne de près de<br />

1 M. Burnouf se sert très habilement de la postériorité de l'ontologie dans le bouddhisme pour établir<br />

l'âge de ce système religieux (Ouvr. cité, t. I, p. 132.)<br />

2 Voir les détails nombreux sur ce cylindre, très en usage chez les Mongols, dans les Souvenirs d'un<br />

voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine, pendant les années 1844, 1845 et 1846 (Paris,<br />

1850), par M. Huc, prêtre missionnaire de la congrégation de Saint-Lazare. – Voir aussi, dans le<br />

même ouvrage, ce qui a rapport à la réforme moderne du bouddhisme lamaïque, appelée réforme de<br />

Tsong-Kaba, et qui date du XVII e siècle. L'esprit hindou, dont il restait peu, a été presque<br />

absolument expulsé par ces innovations.<br />

3 Burnouf, ouvr. cité, t. I, p. 339. – Bouddha, considéré comme une incarnation de Vischnou, est une<br />

idée qui ne remonte pas plus haut que l'an 1005 de l'ère de Vikramâditya, 943 de la nôtre.

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