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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 158<br />

leurs sciences, eussent trouvé quelque nouveauté profonde touchant la vie et la mort, la<br />

formation des êtres, les principes primordiaux du monde. Or, sur toutes ces questions,<br />

la science moderne n'a plus ces lueurs qui se projetaient, on a lieu de le penser, à<br />

l'aurore des temps antiques, et, de son propre cru et de ses propres efforts, elle n'est<br />

parvenue encore qu'à cet humiliant aveu : « Je cherche et ne trouve pas. » Il n'y a donc<br />

guère de progrès réels dans les conquêtes intellectuelles de l'homme. Notre critique<br />

seule est incontestablement meilleure que celle de nos devanciers. C'est un grand point ;<br />

mais critique veut dire classement, et non pas acquisition.<br />

Pour ce qui est de nos idées prétendues neuves sur la politique, on peut sans<br />

inconvénient prendre avec elles des libertés plus vives encore qu'avec nos sciences.<br />

Cette fécondité de théories, dont nous aimons à nous faire honneur, on la retrouve<br />

tout aussi grande à Athènes après Périclès. Le moyen de s'en convaincre, c'est de relire<br />

ces comédies d'Aristophane, amplifications satiriques, dont Platon recommandait la<br />

lecture à qui voulait connaître les mœurs publiques de la ville de Minerve. On récuse la<br />

comparaison depuis que l'on s'est avisé de prétendre qu'entre notre ordre social actuel<br />

et l'état de l'antiquité grecque la servitude crée une différence fondamentale. La démagogie<br />

n'en était que plus profonde, si l'on veut, et voilà tout. On parlait alors des esclaves<br />

sur le même ton où l'on parle aujourd'hui des ouvriers et des prolétaires, et combien<br />

n'était-il pas avancé, ce peuple athénien qui fit tant pour plaire à sa plèbe servile après<br />

le combat des Arginuses !<br />

Transportons-nous à Rome. Ouvrons les lettres de Cicéron. Quel tory modéré que<br />

cet orateur romain ! quelle similitude parfaite entre sa république et nos sociétés<br />

constitutionnelles, quant au langage des partis et aux luttes parlementaires ! Là, aussi,<br />

dans les bas-fonds, s'agitait une population d'esclaves dépravés, toujours la révolte<br />

dans le cœur, quand ils ne l'avaient pas au bout des poings. Laissons cette tourbe.<br />

Nous le pouvons d'autant mieux que la loi ne lui reconnaissait pas d'existence civile,<br />

qu'elle ne comptait pas dans la politique, et n'agissait sur les décisions, aux jours<br />

d'émeute, que comme auxiliaire des perturbateurs de naissance libre.<br />

Eh bien ! les esclaves rejetés dans le néant, n'avons-nous pas, sur le Forum, tout ce<br />

qui constitue un état social à la moderne ? La populace, qui demandait du pain, des<br />

jeux, des distributions gratuites et le droit de jouir ; la bourgeoisie, qui voulait et obtint<br />

le partage des emplois publics ; le patriciat, transformé successivement et reculant<br />

toujours, et toujours perdant de ses droits, jusqu'au moment où ses défenseurs mêmes<br />

acceptèrent, comme unique système de défense, de refuser toute prérogative en ne<br />

réclamant que la liberté pour tous ? Ne sont-ce pas là des ressemblances parfaites ?<br />

Croit-on que dans les opinions qui s'expriment aujourd'hui, si variées qu'elles<br />

puissent être, il en existe une seule, il se trouve même une nuance qui n'ait été connue à<br />

Rome ? Je parlais tout à l'heure des lettres écrites de Tusculum : c'est la pensée d'un

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