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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 162<br />

quelconque, s'arrête charmé devant une de ces demeures d'intelligentes fourmis, donne<br />

du pied dans l'édifice, en ravit et en dévore les oeufs, puis, le repas fait, se retire<br />

tristement dans un creux de rocher, je me demande si les insectes qui viennent de périr<br />

n'ont pas été plus favorablement doués que la stupide famille du destructeur ; si<br />

l'instinct des animaux, borné à un court ensemble de besoins, ne les rend pas plus<br />

heureux que cette raison avec laquelle notre humanité s'est trouvée nue sur la terre, et<br />

plus exposée cent fois que les autres espèces aux souffrances que peuvent causer l'air,<br />

le soleil, la neige et la pluie conjurés. Pauvre humanité ! elle n'est jamais parvenue à<br />

inventer un moyen de vêtir tout le monde et de mettre tout le monde à l'abri de la soif<br />

et de la faim. Certes le moindre des sauvages en sait plus long que les animaux ; mais<br />

les animaux connaissent ce qui leur est utile, et nous l'ignorons. Ils s'y tiennent, et nous<br />

ne le pouvons garder, quand parfois nous l'avons découvert. Ils sont toujours, en<br />

temps normal, assurés, par leurs instincts, de trouver le néc<strong>essai</strong>re. Nous, nous voyons<br />

de nombreuses hordes qui, depuis le commencement des siècles, n'ont pu sortir d'un<br />

état précaire et souffreteux. En tant qu'il n'est question que du bien-être terrestre, nous<br />

n'avons de mieux que les animaux, rien de mieux qu'un horizon plus étendu à parcourir,<br />

mais fini et borné comme le leur.<br />

Je n'ai pas assez insisté sur cette triste condition humaine, de toujours perdre d'un<br />

côté quand nous gagnons de l'autre ; c'est là cependant le grand fait qui nous condamne<br />

à errer dans nos domaines intellectuels, sans réussir jamais, tout limités qu'ils sont, à<br />

les posséder dans leur entier. Si cette loi fatale n'existait pas, on comprendrait qu'à un<br />

jour donné, lointain peut-être, en tous cas, probable, l'homme, se trouvant en possession<br />

de toute l'expérience des âges successifs, sachant ce qu'il peut savoir, s'étant<br />

emparé de ce qu'il peut prendre, aurait enfin appris à appliquer ses richesses, vivrait au<br />

milieu de la nature, sans combat avec ses semblables non plus qu'avec la misère, et,<br />

tranquille à la fin, se reposerait, sinon à l'apogée des perfections, au moins dans un état<br />

suffisant d'abondance et de joie.<br />

Une telle félicité, toute restreinte qu'elle serait, ne nous est même pas promise,<br />

puisqu'à mesure que l'homme apprend, il désapprend ; puisqu'il ne peut gagner sous le<br />

rapport intellectuel et moral sans perdre sous le rapport physique, et qu'il ne tient<br />

assez fortement aucune de ses conquêtes pour être assuré de les garder toujours.<br />

Nous croyons, nous, que notre civilisation ne périra jamais, parce que nous avons<br />

l'imprimerie, la vapeur, la poudre à canon. L'imprimerie, qui n'est pas moins connue au<br />

Tonquin, dans l'empire d'Annam et au Japon 1 que dans l'Europe actuelle, a-t-elle, par<br />

1 M. J. Mohl, Rapport annuel à la Société asiatique, 1851, p. 92 : « La librairie indienne « indigène<br />

est extrêmement active, et les ouvrages qu'elle fournit n'entrent jamais dans la « librairie européenne<br />

même de l'Inde. M. Sprenger dit, dans une lettre, qu'il y a dans la « seule ville de Luknau treize<br />

établissements lithographiques uniquement occupés à « multiplier les livres pour les écoles, et il<br />

donne une liste considérable d'ouvrages dont « probablement aucun n'est parvenu en Europe. Il en<br />

est de même à Dehli, Agra, Cawnpour, « Allahabad et d'autres villes. »

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