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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 469<br />

sauvages. Le massacre couronnait toutes les victoires. C'était chose reçue que le<br />

dévouement si vanté à la patrie ne pouvait amener chaque ville qu'à se traîner dans un<br />

cercle étroit de succès inféconds et de défaites désastreuses 1 .<br />

Au bout des premiers, la ruine de l'ennemi ; au bout des secondes, celle des<br />

citoyens. Pas le moindre espoir de s'entendre jamais, et la certitude de ne rien fonder de<br />

grand.<br />

Et à quoi aboutissait de son côté la politique intérieure ? Nous l'avons vu : sur dix<br />

ans, six de tyrannie, le reste de débats, de querelles, de proscriptions et de carnages<br />

entre l'aristocratie et les riches, entre les riches et le peuple. Quand, dans une ville, tel<br />

parti triomphait, tel autre errait au sein des cités voisines, recrutant des ennemis à ses<br />

adversaires trop heureux. Toujours un citoyen grec revenait d'exil ou faisait son paquet<br />

pour y aller. De sorte que ce gouvernement d'exigences, cette perpétuelle mise sur pied<br />

de la force publique, cette monstruosité morale que présentait l'existence d'un système<br />

politique dont la gloire était de ne rien respecter des droits de l'individu, aboutissait à<br />

quoi ? À laisser l'influence perse grossir sans obstacle, à perpétuer le fractionnement de<br />

nationalités qui, résultant de combinaisons inégales dans les éléments ethniques,<br />

empêchaient déjà les peuples grecs de marcher du même pas et de progresser dans la<br />

même mesure. Grâce à une terrible contraction de l'esprit de chaque localité, la réunion<br />

de la race était rendue impossible.<br />

Enfin, à la puissance extérieure annulée ou paralysée venait aussi se joindre<br />

l'incapacité d'organiser la tranquillité intérieure. C'était un triste bilan, et, pour en faire<br />

l'objet de l'admiration des siècles, il a fallu l'éloquence admirable des historiens<br />

nationaux. Sous peine de passer pour des monstres, ces habiles artistes n'étaient pas<br />

libres de discuter, bien moins encore de blâmer le révoltant despotisme de la patrie. Je<br />

ne crois même pas que la magnificence de leurs périodes aurait suffi à elle seule à égarer<br />

le bon sens des époques modernes dans une puérile extase, si l'esprit tortu des pédants<br />

1 M. Bœckh, grand partisan de la liberté athénienne, fait le plus triste tableau des conséquences de la<br />

ligue hellénique formée sous la présidence de la ville de Minerve, et que la politique du Pnyx<br />

voulait faire tourner à l'avantage de l'État, tel qu'on le comprenait alors. Le trésor commun, d'abord<br />

déposé dans le temple de Délos, fut apporté à Athènes. On employa les contributions annuelles des<br />

villes alliées à payer le peuple affamé d'assemblées ; on en construisit des monuments, on en fit des<br />

statues, on en paya des tableaux. Tout naturellement on ne laissa passer guère de temps sans déclarer<br />

les contributions insuffisantes. Les cités confédérées furent accablées d'impôts, et, pour bien dire,<br />

pillées. Afin de les rendre souples, le peuple d'Athènes s'arrogea sur elles le droit de vie et de mort.<br />

Il y eut des révoltes ; on massacra ce qu'on put des populations rebelles, et le reste fut jeté en<br />

esclavage. Plusieurs nations, dégoûtées de ce genre de vie, s'embarquèrent sur leurs vaisseaux et<br />

s'enfuirent ailleurs. Les Athéniens, charmés, peuplèrent à leur gré les terrains vacants. Voilà ce qu'on<br />

appelait, dans l'antiquité grecque, le protectorat et l'alliance ; car, il ne faut pas s'y tromper, c'est<br />

l'état d'amitié que je viens de dépeindre d'après les doctes pages de M. Bœckh. De mille cités alliées<br />

que compte Aristophane dans les Guêpes, il n'en restait plus que trois qui fussent libres à la fin de<br />

la guerre du Péloponèse : Chios, Mytilène de Lesbos et Méthymne. Le reste était non pas assimilé à<br />

ses maîtres, non pas même sujet, mais asservi dans toute la rigueur du mot. (Die Staatshaushaltung<br />

der Athener, t. I, p. 443.)

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