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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 271<br />

passent aux prêtres, des prêtres tombent aux chefs militaires 1 . C'est l'idée nègre qui<br />

reparaît dans la même forme et suscitée par des circonstances toutes semblables. Les<br />

dieux, ce sont les blancs, les prêtres, les mulâtres de la caste hiératique. Les rois, ce<br />

sont les chefs armés, autorisés par la communauté d'origine blanche à prétendre au<br />

partage de l'empire, c'est-à-dire à s'emparer du gouvernement des corps en laissant celui<br />

des âmes à leurs rivaux. On peut supposer que la lutte fut longue et bien soutenue, que<br />

les pontifes ne se laissèrent pas aisément arracher la couronne ni chasser du trône, car<br />

la royauté militaire eut tous les caractères, non d'une victoire, mais d'un compromis. Le<br />

souverain pouvait appartenir indifféremment à l'une ou l'autre caste, celle des pontifes<br />

ou celle des guerriers. C'est la concession. La restriction la suit : si le souverain était de<br />

la seconde catégorie, il lui fallait, avant que d'entrer en jouissance des droits royaux, se<br />

faire admettre parmi les desservants des temples et s'instruire dans les sciences du<br />

sanctuaire 2 . Une fois devenu hiérophante de forme et de fait, et seulement alors, le<br />

soldat heureux pouvait s'appeler roi, et, pendant tout le reste de sa vie, témoignant d'un<br />

respect sans bornes pour la religion et le sacerdoce, il devait, dans sa conduite privée et<br />

ses habitudes les plus intimes, ne s'écarter jamais des règles dont les prêtres étaient les<br />

auteurs et les gardiens. Jusqu'au fond du retrait le plus particulier de l'existence royale,<br />

les rivaux du maître avaient les yeux fixés. Quand il s'agissait d'affaires publiques, la<br />

dépendance était plus étroite encore. Rien ne s'exécutait sans la participation de<br />

l'hiérophante : membre du conseil souverain, sa voix avait le poids des oracles, et<br />

comme si tous ces liens de servitude eussent paru trop faibles encore pour sauvegarder<br />

cette part si énorme de pouvoir, les rois savaient qu'après leur mort ils auraient à subir<br />

un jugement, non pas de la part de leurs peuples, mais de la part de leurs prêtres ; et<br />

chez une nation qui avait sur l'existence d'au delà du tombeau des idées si particulières,<br />

on peut aisément s'imaginer quelle terreur entretenait dans l'esprit du despote le plus<br />

audacieux l'idée d'un procès qui, suscité à son cadavre impuissant, pouvait le priver du<br />

bonheur le plus désirable au gré des idées nationales, une sépulture magnifique et les<br />

derniers honneurs. Ces juges futurs étaient donc constamment redoutables, et ce n'était<br />

pas trop de prudence que de les ménager pendant toute la vie 3 .<br />

L'existence d'un roi d'Égypte ainsi enchaînée, surveillée, contrariée sur les points les<br />

plus importants comme dans les détails les plus futiles, aurait été intolérable, si<br />

quelque dédommagement ne lui avait été offert. Les droits religieux mis à part, le<br />

monarque était tout-puissant, et ce que le respect a de plus raffiné lui était constamment<br />

offert par les peuples à genoux. Il n'était pas Dieu, sans doute, et on ne l'adorait<br />

pas de son vivant ; mais on le vénérait en tant qu'arbitre absolu de la vie et de la mort,<br />

et aussi comme personnage sacré, car il était pontife lui-même. À peine les plus grands<br />

de l'État étaient-ils assez nobles pour le servir dans les plus humbles emplois. C'était à<br />

1 Les plus anciens noms, dans les ovales, sont précédés du titre de prêtre au lieu de celui de roi.<br />

(Wilkinson, t. I, p. 19.)<br />

2 Wilkinson, t. I, p. 246.<br />

3 Wilkinson, t. I, p. 250.

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