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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 69<br />

confesse avec la plus naïve inconséquence. On ne fait, en cela, qu'imiter ce qui s'est<br />

pratiqué à des époques non moins persuadées que nous, et pour les mêmes causes, de<br />

l'égalité absolue des <strong>races</strong>.<br />

Chaque nation a toujours su, à côté du dogme libéral de la fraternité, maintenir,<br />

auprès des noms des autres peuples, des qualifications et des épithètes qui indiquaient<br />

des dissemblances. Le Romain d'Italie appelait le Romain de la Grèce, Graeculus, et lui<br />

attribuait le monopole de la loquacité vaniteuse et du manque de courage. Il se moquait<br />

du colon de Carthage, et prétendait le reconnaître entre mille à son esprit processif et à<br />

sa mauvaise foi. Les Alexandrins passaient pour spirituels, insolents et séditieux. Au<br />

moyen âge, les monarques anglo-normands taxaient leurs sujets gallois de légèreté et<br />

d'inconsistance d'esprit. Aujourd'hui qui n'a pas entendu relever les traits distinctifs de<br />

l'Allemand, de l'Espagnol, de l'Anglais et du Russe ? Je n'ai pas à me prononcer sur<br />

l'exactitude des jugements. Je note seulement qu'ils existent, et que l'opinion courante<br />

les adopte, Ainsi donc, si, d'une part, les familles humaines sont dites égales, et que, de<br />

l'autre, les unes soient frivoles, les autres posées ; celles-ci âpres au gain, celles-là à la<br />

dépense ; quelques-unes énergiquement amoureuses des combats, plusieurs économes<br />

de leurs peines et de leurs vies, il tombe sous le sens que ces nations si différentes<br />

doivent avoir des destinées bien diverses, bien dissemblables, tranchons le mot, bien<br />

inégales. Les plus fortes joueront dans la tragédie du monde les personnages des rois et<br />

des maîtres. Les plus faibles se contenteront des bas emplois.<br />

Je ne crois pas qu'on ait fait de nos jours le rapprochement entre les idées généralement<br />

admises sur l'existence d'un caractère spécial pour chaque peuple et la conviction<br />

non moins répandue que tous les peuples sont égaux. Cependant cette contradiction<br />

frappe bien fort ; elle est flagrante, et d'autant plus grave que les partisans de la<br />

démocratie ne sont pas les derniers à célébrer la supériorité des Saxons de l'Amérique<br />

du Nord sur toutes les nations du même continent. Ils attribuent, à la vérité, les hautes<br />

prérogatives de leurs favoris à la seule influence de la forme gouvernementale. Toutefois<br />

ils ne nient pas, que je sache, la disposition particulière et native des compatriotes<br />

de Penn et de Washington à établir dans tous les lieux de leur séjour des institutions<br />

libérales, et, ce qui est plus, à les savoir conserver. Cette force de persistance n'est-elle<br />

pas, je le demande, une bien grande prérogative départie à cette branche de la famille<br />

humaine, prérogative d'autant plus précieuse que la plupart des groupes qui ont peuplé<br />

jadis ou peuplent encore l'univers semblent en être privés ?<br />

Je n'ai pas la prétention de jouir sans combat de la vue de cette inconséquence.<br />

C'est ici, sans doute, que les partisans de l'égalité objecteront bien haut la puissance des<br />

institutions et des mœurs ; c'est ici qu'ils diront, encore une fois, combien l'essence du<br />

gouvernement par sa seule et propre vertu, combien le fait du despotisme ou de la<br />

liberté, influent puissamment sur le mérite et le développement d'une nation : mais<br />

c'est ici que moi, de même, je contesterai la force de l'argument.

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