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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 341<br />

paraissent ne pas avoir assez ménagé, même d'après les données de leur propre<br />

système, les méfiances et l'ambition des hommes qu'ils avaient le plus à craindre.<br />

Ce n'est pas qu'ils n'aient usé de quelques ménagements. De même qu'ils avaient fait<br />

plier la rigueur de leur système jusqu'au point d'admettre des chefs aborigènes à la<br />

dignité de kschattryas, ils avaient fait preuve d'une tolérance plus difficile encore à<br />

l'égard des Arians de cette caste, en permettant à plusieurs, que signalaient la sainteté,<br />

la science et des pénitences extraordinaires, de s'élever au rang de brahmane. L'épisode<br />

de Visvamitra, dans le Ramayana, n'a pas d'autre signification 1 . On citerait encore la<br />

consécration d'un autre guerrier de la race des Kouravas. Mais de telles concessions ne<br />

pouvaient être que rares, et il faut avouer qu'en échange ils se réservaient la faculté<br />

d'épouser des filles de kschattryas et de devenir rois à leur tour. Gendres des<br />

souverains, ils admettaient encore que les rejetons de leurs alliances suivaient une loi de<br />

décroissance, et se trouvaient exclus de la caste sacerdotale. Mais, du chef de leur mère,<br />

les prérogatives de la tribu militaire leur revenaient pleinement, et la dignité royale du<br />

même coup. Il y a, sur ce sujet, une anecdote que j'intercalerai ici, bien qu'elle<br />

interrompe, ou peut-être parce qu'elle interrompt des considérations un peu longues et<br />

assez arides.<br />

Il existait, dans des temps très anciens, à Tchampa, un brahmane. Ce brahmane eut<br />

une fille, et il demanda aux astrologues quel avenir était réservé à l'objet de son inquiète<br />

tendresse. Ceux-ci, ayant consulté les astres, reconnurent, à l'unanimité, que la petite<br />

brahmani serait un jour mère de deux enfants, dont l'un deviendrait un saint illustre et<br />

l'autre un grand souverain. Le père fut transporté de joie à cette nouvelle, et aussitôt<br />

que la jeune fille se trouva nubile, remarquant avec orgueil comme elle était douée d'une<br />

beauté parfaite, il voulut concourir à l'accomplissement du destin, peut-être le hâter, et<br />

il s'en alla offrir son enfant à Bandusara, roi de Pataliputhra, monarque renommé pour<br />

ses richesses et sa puissance.<br />

Le don fut accepté, et la nouvelle épouse conduite dans le gynécée royal. Ses grâces<br />

y firent trop de sensation. Les autres épouses du kschattrya la jugèrent tellement<br />

dangereuse, qu'elles appréhendèrent d'être remplacées dans le cœur du roi, et se mirent<br />

à chercher une ruse qui, tout aussi bien qu'une violence impossible, les pût débarrasser<br />

de leurs craintes, en écartant leur rivale. La belle brahmani était, comme je l'ai dit, fort<br />

jeune, et, probablement, sans beaucoup de malice. Les conjurées surent lui persuader<br />

que, pour plaire à son mari, il lui fallait apprendre à le raser, à le parfumer et à lui<br />

couper les cheveux. Elle avait tout le désir imaginable d'être une épouse soumise : elle<br />

obéit donc promptement à ces perfides conseils, de sorte que la première fois que<br />

Bandusara la fit appeler, elle se présenta devant lui une aiguière d'une main et portant,<br />

dans l'autre, tout l'appareil de la profession qu'elle venait d'apprendre.<br />

1 Burnouf, Introduction à l'histoire du bouddhisme indien, t. I, p. 891.

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