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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 78<br />

à mon opinion. J'ai appelé en témoignage un État où les institutions, imposées par des<br />

prédicateurs protestants, ne sont qu'un calque assez puéril de l'organisation britannique<br />

; ensuite j'ai parlé d'un gouvernement matériellement libre, mais intellectuellement<br />

lié à des théories européennes, et qui a dû mettre en pratique l'application de ces<br />

théories, d'où la mort s'ensuit pour les malheureuses populations haïtiennes. Voici<br />

maintenant un exemple d'une tout autre nature, qui m'est offert par les tentatives des<br />

pères jésuites pour civiliser les indigènes du Paraguay 1 .<br />

Ces missionnaires, par l'élévation de leur intelligence et la beauté de leur courage,<br />

ont excité l'admiration universelle ; et les ennemis les plus déclarés de leur ordre n'ont<br />

pas cru pouvoir leur refuser un ample tribut d'éloges. En effet, si des institutions issues<br />

d'un esprit étranger à une nation ont eu jamais quelques chances de succès, c'étaient<br />

assurément celles-là, fondées sur la puissance du sentiment religieux et appuyées de ce<br />

qu'un génie d'observation, aussi juste que fin, avait pu trouver d'idées d'appropriation.<br />

Les Pères s'étaient persuadés, opinion du reste fort répandue, que la barbarie est à la<br />

vie des peuples ce que l'enfance est à celle des individus, et que plus une nation se<br />

montre sauvage et inculte, plus elle est jeune.<br />

Pour mener leurs néophytes à l'adolescence, ils les traitèrent donc comme des<br />

enfants, et leur firent un gouvernement despotique aussi ferme dans ses vues et<br />

volontés, que doux et affectueux dans ses formes. Les peuplades américaines ont, en<br />

général, des tendances républicaines, et la monarchie ou l'aristocratie, rares chez elles,<br />

ne s'y montrent jamais que très limitées. Les dispositions natives des Guaranis,<br />

auxquelles les jésuites venaient s'adresser, ne contrastaient pas, sur ce point, avec celles<br />

des autres indigènes. Toutefois, par une circonstance heureuse, ces peuples témoignaient<br />

d'une intelligence relativement développée, d'un peu moins de férocité peut-être<br />

que certains de leurs voisins, et de quelque facilité à concevoir des besoins nouveaux.<br />

Cent vingt mille âmes environ furent réunies dans les villages des missions sous la<br />

conduite des Pères. Tout ce que l'expérience, l'étude journalière, la vive charité, apprenaient<br />

aux jésuites, portait profit ; on faisait d'incessants efforts pour hâter le succès<br />

sans le compromettre. Malgré tant de soins, on sentait cependant que ce n'était pas<br />

trop du pouvoir absolu pour contraindre les néophytes à persister dans la bonne voie,<br />

et l'on pouvait se convaincre, en maintes occasions, du peu de solidité réelle de l'édifice.<br />

Quand les mesures du comte d'Aranda vinrent enlever au Paraguay ses pieux et<br />

habiles civilisateurs, on en reçut la plus triste et la plus complète démonstration. Les<br />

Guaranis, privés de leurs guides spirituels, refusèrent toute confiance aux chefs laïques<br />

envoyés par la couronne d'Espagne. Ils ne montrèrent aucune attache à leurs nouvelles<br />

institutions. Le goût de la vie sauvage les reprit, et aujourd'hui, à l'exception de trentesept<br />

petits villages qui végètent encore sur les bords du Parana, du Paraguay et de<br />

l'Uruguay, villages qui contiennent certainement un noyau de population métisse, tout<br />

1 Voir, à ce sujet, Prichard, d'Orbigny, A. de Hurnboldt, etc.

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