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essai_inegalite_races_1

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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 97<br />

caractériser la notion comprise dans le mot civilisation. La civilisation n'est pas un fait,<br />

c'est une série, un enchaînement de faits plus ou moins logiquement unis les uns aux<br />

autres, et engendrés par un concours d'idées souvent assez multiples ; idées et faits se<br />

fécondant sans cesse. Un roulement incessant est quelquefois la conséquence des<br />

premiers principes ; quelquefois aussi cette conséquence est la stagnation ; dans tous<br />

les cas, la civilisation n'est pas un fait, c'est un faisceau de faits et d'idées, c'est un état<br />

dans lequel une société humaine se trouve placée, un milieu dans lequel elle a réussi à se<br />

mettre, qu'elle a créé, qui émane d'elle, et qui à son tour réagit sur elle.<br />

Cet état a un grand caractère de généralité qu'un fait ne possède jamais ; il se prête à<br />

beaucoup de variations qu'un fait ne saurait pas subir sans disparaître, et, entre autres,<br />

il est complètement indépendant des formes gouvernementales, se développant aussi<br />

bien sous le despotisme que sous le régime de la liberté, et ne cessant pas même<br />

d'exister lorsque des commotions civiles modifient ou même transforment absolument<br />

les conditions de la vie politique.<br />

Ce n'est pas à dire cependant qu'il faille estimer peu de chose les formes<br />

gouvernementales. Leur choix est intimement lié à la prospérité du corps social : faux, il<br />

l'entrave ou la détruit ; judicieux, il la sert et la développe. Seulement, il ne s'agit pas ici<br />

de prospérité ; la question est plus grave : il s'agit de l'existence même des peuples et<br />

de la civilisation, phénomène intimement lié à certaines conditions élémentaires,<br />

indépendantes de l'état politique, et qui puisent leur raison d'être, les motifs de leur<br />

direction, de leur expansion, de leur fécondité ou de leur faiblesse, tout enfin ce qui les<br />

constitue, dans des racines bien autrement profondes. Il va donc sans dire que, devant<br />

des considérations aussi capitales, les questions de conformation politique, de prospérité<br />

ou de misère se trouvent rejetées à la seconde place ; car, partout et toujours, ce<br />

qui prend la première, c'est cette question fameuse d'Hamlet : être ou ne pas être. Pour<br />

les peuples aussi bien que pour les individus, elle plane au-dessus de tout. Comme M.<br />

Guizot ne paraît pas s'être mis en face de cette vérité, la civilisation est pour lui, non<br />

pas un état, non pas un milieu, mais un fait ; et le principe générateur dont il le tire est<br />

un autre fait d'un caractère exclusivement politique.<br />

Ouvrons le livre de l'éloquent et illustre professeur : nous y trouvons un faisceau<br />

d'hypothèses choisies pour mettre la pensée dominante en relief. Après avoir indiqué<br />

un certain nombre de situations dans lesquelles peuvent se trouver les sociétés, l'auteur<br />

se demande « si l'instinct général y reconnaîtrait « l'état d'un peuple qui se civilise ; si<br />

c'est là le sens que le genre humain « attache naturellement au mot civilisation 1 . »<br />

La première hypothèse est celle-ci : « Voici un peuple dont la vie extérieure est<br />

« douce, commode : il paye peu d'impôt, il ne souffre point ; la justice lui est bien<br />

« rendue dans les relations privées ; en un mot, l'existence matérielle et « morale de ce<br />

1 M. Guizot, Histoire de la civilisation en Europe, p. 11 et passim.

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