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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 70<br />

Les institutions politiques n'ont à choisir qu'entre deux origines : ou bien elles<br />

dérivent de la nation qui doit vivre sous leur règle, ou bien, inventées chez un peuple<br />

influent, elles sont appliquées par lui à des États tombés dans sa sphère d'action.<br />

Avec la première hypothèse il n'y a pas de difficulté. Le peuple évidemment a<br />

calculé ses institutions sur ses instincts et sur ses besoins ; il s'est gardé de rien statuer<br />

qui pût gêner les uns ou les autres ; et si, par mégarde ou maladresse, il l'a fait, bientôt<br />

le malaise qui en résulte l'amène à corriger ses lois et à les mettre dans une concordance<br />

plus parfaite avec leur but. Dans tout pays autonome, on peut dire que la loi émane<br />

toujours du peuple ; non pas qu'il ait constamment la faculté de la promulguer<br />

directement, mais parce que, pour être bonne, il faut qu'elle soit modelée sur ses vues,<br />

et telle que, bien informé, il l'aurait imaginée lui-même. Si quelque très sage législateur<br />

semble, au premier abord, l'unique source de la loi, qu'on y regarde de bien près, et l'on<br />

se convaincra aussitôt que, par l'effet de sa sagesse même, le vénérable maître se borne<br />

à rendre ses oracles sous la dictée de sa nation. Judicieux comme Lycurgue, il<br />

n'ordonnera rien que le Dorien de Sparte ne puisse admettre, et, théoricien comme<br />

Dracon, il créera un code qui bientôt sera ou modifié ou abrogé par l’Ionien d'Athènes,<br />

incapable, comme tous les enfants d'Adam, de conserver longtemps une législation<br />

étrangère à ses vraies et naturelles tendances. L'intervention d'un génie supérieur dans<br />

cette grande affaire d'une invention de lois n'est jamais qu'une manifestation spéciale de<br />

la volonté éclairée d'un peuple, ou, si ce n'est que le produit isolé des rêveries d'un<br />

individu, nul peuple ne saurait s'en accommoder longtemps. On ne peut donc admettre<br />

que les institutions ainsi trouvées et façonnées par les <strong>races</strong> fassent les <strong>races</strong> ce qu'on<br />

les voit être. Ce sont des effets, et non des causes. Leur influence est grande<br />

évidemment : elles conservent le génie national, elles lui frayent des chemins, elles lui<br />

indiquent son but, et même, jusqu'à un certain point, échauffent ses instincts, et lui<br />

mettent à la main les meilleurs instruments d'action ; mais elles ne créent pas leur<br />

créateur, et, pouvant servir puissamment ses succès en l'aidant à développer ses<br />

qualités innées, elles ne sauraient jamais qu'échouer misérablement quand elles prétendent<br />

trop agrandir le cercle ou le changer. En un mot, elles ne peuvent pas l'impossible.<br />

Les institutions fausses et leurs effets ont cependant joué un grand rôle dans le<br />

monde. Quand Charles 1 er , fâcheusement conseillé par le comte de Strafford, voulait<br />

plier les Anglais au gouvernement absolu, le roi et son ministre marchaient sur le terrain<br />

fangeux et sanglant des théories. Quand les calvinistes rêvaient chez nous une<br />

administration tout à la fois aristocratique et républicaine, et travaillaient à l'implanter<br />

par les armes, ils se mettaient également à côté du vrai.<br />

Quand le régent prétendit donner gain de cause aux courtisans vaincus en 1652, et<br />

essayer du gouvernement d'intrigue qu'avaient souhaité le coadjuteur et ses amis 1 , ses<br />

1 M. le comte de Saint-Priest, dans un excellent article de la Revue des Deux Mondes, a très justement<br />

démontré que le parti écrasé par le cardinal de Richelieu n'avait rien de commun avec la féodalité ni<br />

avec les grands systèmes aristocratiques. MM. de Montmorency, de Cinq-Mars, de Marillac, ne

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