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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 73<br />

Toutefois il est une circonstance qu'il ne faut pas négliger. Plusieurs des peuples<br />

asservis aux Romains avaient, dans leurs codes, des points tellement en désaccord avec<br />

les sentiments de leurs maîtres, qu'il était impossible à ces derniers d'en tolérer<br />

l'existence : témoins les sacrifices humains des druides, qu'en effet poursuivirent les<br />

défenses les plus sévères. Eh bien, les Romains, avec toute leur puissance, ne réussirent<br />

jamais complètement à extirper des rites aussi barbares. Dans la Narbonnaise, la<br />

victoire fut facile : la population gallique avait été presque entièrement remplacée par<br />

des colons romains ; mais, dans le centre, chez les tribus plus intactes, la résistance<br />

s'obstina, et, dans la presqu'île bretonne, où, au quatrième siècle, une colonie rapporta<br />

d'Angleterre les vieilles mœurs avec le vieux sang, les peuplades persistèrent, par<br />

patriotisme, par attachement à leurs traditions, à égorger des hommes sur leurs autels<br />

aussi souvent qu'elles l'osèrent. La surveillance la plus active ne réussissait pas à leur<br />

arracher des mains le couteau et le flambeau sacrés. Toutes les révoltes commençaient<br />

par la restauration de ce terrible trait du culte national, et le christianisme, vainqueur<br />

encore indigné d'un polythéisme sans morale, vint, chez les Armoricains, se heurter<br />

avec épouvante contre des superstitions plus repoussantes encore. Il ne parvint à les<br />

détruire qu'après des efforts bien longs, puisqu'au dix-septième siècle, le massacre des<br />

naufragés et l'exercice du droit de bris subsistaient dans toutes les paroisses maritimes<br />

où le sang kimrique s'était conservé pur. C'est que ces coutumes barbares répondaient<br />

aux instincts et aux sentiments indomptables d'une race qui, n'ayant pas été suffisamment<br />

mélangée, n'avait pas eu jusqu'alors de raisons déterminantes pour changer d'avis.<br />

Ce fait est digne de réflexion ; mais les temps modernes présentent surtout des<br />

exemples d'institutions imposées et non subies. Un caractère remarquable de la<br />

civilisation européenne, c'est son intolérance, conséquence de la conscience qu'elle a de<br />

sa valeur et de sa force. Elle se trouve dans le monde, soit en face de barbaries décidées,<br />

soit à côté d'autres civilisations. Elle traite les unes et les autres avec un dédain presque<br />

égal, et, voyant dans tout ce qui n'est pas elle des obstacles à ses conquêtes, elle est<br />

fort disposée à exiger des peuples une complète transformation. Toutefois les<br />

Espagnols, les Anglais et les Hollandais, et nous aussi quelquefois, nous n'avons pas<br />

osé nous abandonner trop complètement aux impulsions du génie novateur, là où nous<br />

avions des masses un peu considérables devant nous, imitant ainsi la discrétion forcée<br />

des conquérants de l'antiquité. L'Orient et l'Afrique, soit septentrionale, soit occidentale,<br />

sont des témoins irréfragables que les nations les plus éclairées ne parviennent pas<br />

à donner à des peuples conquis des institutions antipathiques à leur nature. J'ai déjà<br />

rappelé que l'Inde anglaise continue son mode de vie séculaire sous les lois qu'elle s'est<br />

jadis données. Les Javanais, bien que très soumis, sont fort éloignés de se sentir<br />

entraînés vers des institutions approchant de celles de la Néerlande. Ils continuent à<br />

vivre en face de leurs maîtres comme ils vivaient libres, et, depuis le seizième siècle, où<br />

l'action européenne dans le monde oriental a commencé, on ne s'aperçoit pas qu'elle ait<br />

le moindrement influé sur les mœurs des tributaires les mieux domptés.

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