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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 462<br />

En récompense d'une abnégation si grande, on demande si la patrie accordait des<br />

compensations suffisamment magnifiques ? Sans doute : elle autorisait pleinement chacun<br />

à dire de lui-même, en délirant d'orgueil : je suis Athénien, je suis Lacédémonien,<br />

Thébain, Argien, Corinthien, titres fastueux, appréciés, au-dessus de tous les autres, au<br />

long d'un rayon de dix lieues carrées, et qui, au delà et dans le pays grec même, pouvait,<br />

sous certaines circonstances, valoir le fouet ou la corde à qui s'en serait pavané. En tout<br />

cas, c'était une garantie de haine et de mépris. Pour surcroît d'avantages, le citoyen se<br />

flattait hautement d'être libre, parce qu'il n'était pas soumis à un homme, et que, s'il<br />

rampait avec une servilité sans égale, c'était aux pieds de la patrie. Troisième et dernière<br />

prérogative : s'il obéissait à des lois qui n'émanaient pas de l'étranger, ce bonheur, tout à<br />

fait indépendant du mérite intrinsèque de la législation, s'appelait posséder l'isonomie,<br />

et passait pour incomparable. Voilà tous les dédommagements, et encore n'ai-je pas<br />

épuisé la liste des charges 1 .<br />

Le mot patrie couvrait en définitive une pure théorie. La patrie n'était pas de chair<br />

et d'os. Elle ne parlait pas, elle ne marchait pas, elle ne commandait pas de vive voix,<br />

et, quand elle rudoyait, on ne pouvait pas s'excuser parlant à sa personne. L'expérience<br />

de tous les siècles a démontré qu'il n'est pire tyrannie que celle qui s'exerce au profit<br />

des fictions, êtres de leur nature insensibles, impitoyables, et d'une impudence sans<br />

bornes dans leurs prétentions. Pourquoi ? C'est que les fictions, incapables de veiller<br />

elles-mêmes à leurs intérêts, délèguent leurs pouvoirs à des mandataires. Ceux-ci,<br />

n'étant pas censés agir par égoïsme, acquièrent le droit de commettre les plus grandes<br />

énormités. Ils sont toujours innocents lorsqu'ils frappent au nom de l'idole dont ils se<br />

disent les prêtres.<br />

Il fallait des représentants à la patrie. Le sentiment arian, qui n'avait pu résister à<br />

l'importation de cette monstruosité chananéenne, fut assez séduit par la proposition de<br />

confier la délégation suprême aux plus nobles familles de l'État, point de vue conforme<br />

à ses idées naturelles. À la vérité, dans les époques où il avait été livré à lui-même, il<br />

n'avait jamais admis que les vénérables distinctions de la naissance constituassent un<br />

droit exclusif au gouvernement des citoyens. Désormais il était assez perverti pour<br />

admettre et subir les doctrines absolues, et, soit que l'on conservât, dans les nouvelles<br />

constitutions, un ou deux magistrats suprêmes appelés tantôt rois, tantôt archontes,<br />

soit que la puissance exécutive résidât dans un conseil de nobles, l'omnipotence acquise<br />

à la patrie fut exercée uniquement par les chefs des grandes familles ; en un mot, le<br />

1 Les modernes admirateurs du patriotisme grec l’exposent tous, à peu de choses près, comme M. Mc.<br />

Cullagh. Voilà la définition de cet économiste : « However they (the greek « state) may differ in<br />

internal forms, the but of all was to make every free man feel himself a « part of the state and so to<br />

organise the state as to concentrate its power, when required, in « favour of the least of its injured<br />

members or for the punishment of the most powerful « condemner of the law. » (Mc. Cullagh, t. I,<br />

p. 142.) - Ces principes-là peuvent s'écrire ou se dire ; mais personne ayant le sens commun,<br />

n'ignore qu'ils sont impraticables, et, par conséquent ne valent pas ce qu'ils coûtent.

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