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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 61<br />

industrie voilà une tribu devenue peuplade. C'est un degré supérieur qui, à son tour,<br />

n'est pas néc<strong>essai</strong>rement franchi par les agrégations d'hommes qui ont su s'y élever ;<br />

beaucoup s'en contentent et y croupissent.<br />

Mais certaines autres, de beaucoup plus imaginatives et plus énergiques, comprennent<br />

quelque chose de mieux que le simple maraudage ; elles font la conquête d'une<br />

vaste terre, et prennent en propriété, non plus les habitants seulement, mais le sol avec<br />

eux. Une véritable nation est dès lors formée. Souvent alors, pendant un temps, les<br />

deux <strong>races</strong> continuent à vivre côte à côte sans se mêler ; et cependant, comme elles sont<br />

devenues indispensables l'une à l'autre, que la communauté de travaux et d'intérêts s'est<br />

à la longue établie, que les rancunes de la conquête et son orgueil s'émoussent, que,<br />

tandis que ceux qui sont dessous tendent naturellement à monter au niveau de leurs<br />

maîtres, les maîtres rencontrent aussi mille motifs de tolérer et quelquefois de servir<br />

cette tendance, le mélange du sang finit par s'opérer, et les hommes des deux origines,<br />

cessant de se rattacher à des tribus distinctes, se confondent de plus en plus.<br />

L'esprit d'isolement est toutefois tellement inhérent à l'espèce humaine que, même<br />

dans cet état de croisement avancé, il y a encore résistance à un croisement ultérieur. Il<br />

est des peuples dont nous savons d'une manière très positive que leur origine est<br />

multiple, et qui pourtant conservent avec une force extraordinaire l'esprit de clan. Nous<br />

le savons pour les Arabes, qui font plus que de sortir de différents rameaux de la<br />

souche sémitique ; ils appartiennent, tout à la fois, à ce qu'on nomme la famille de Sem<br />

et à celle de Cham, sans parler d'autres parentés locales infinies. Malgré cette diversité<br />

de sources, leur attachement à la séparation par tribu forme un des traits les plus<br />

frappants de leur caractère national et de leur histoire politique ; si bien qu'on a cru<br />

pouvoir attribuer, en grande partie, leur expulsion de l'Espagne, non seulement au<br />

fractionnement de leur puissance dans ce pays, mais encore et surtout au morcellement<br />

plus intime que la distinction continue, et par suite la rivalité des familles, perpétuait<br />

au sein des petites monarchies de Valence, de Tolède, de Cordoue et de Grenade 1 .<br />

Pour la plupart des peuples on peut faire la même remarque, en ajoutant que là où la<br />

séparation par tribu s'est effacée, celle par nation la remplace, agissant avec une énergie<br />

presque semblable, et telle que la communauté de religion ne suffit pas à la paralyser.<br />

Elle existe entre les Arabes et les Turks comme entre les Persans et les Juifs, les Parsis<br />

et les Hindous, les Nestoriens Syriens et les Kurdes ; on la retrouve également dans la<br />

Turquie d'Europe ; on suit sa trace en Hongrie, entre les Madjars, les Saxons, les<br />

Valaques, les Croates, et je puis affirmer, pour l'avoir vu, que dans certaines parties de<br />

la France, ce pays où les <strong>races</strong> sont mélangées plus que partout ailleurs peut-être, il est<br />

1 Cet attachement des nations arabes à l'isolement ethnique se manifeste quelquefois d'une manière<br />

bien bizarre. Un voyageur (M. Fulgence Fresnel, si je ne me trompe) raconte qu'à Djiddah, où les<br />

mœurs sont très relâchées, la même Bédouine qui ne refuse rien à la plus légère séduction d'argent,<br />

se trouverait déshonorée, si elle épousait en légitime mariage soit le Turk, soit l'Européen auquel<br />

elle se prête en le méprisant.

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