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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 13<br />

Gobineau que j'ai beaucoup lu, ne m'a jamais beaucoup plu.<br />

Je voyais dans l'homme un misérable de peu d'intérêt. C'était une vue fausse. À<br />

l'approcher mieux, on comprend que c'est un malheureux, qui a souffert grandement.<br />

Comme on le sait : il n'est pas donné à tout un chacun de bien souffrir. Et l'on se venge<br />

ainsi qu'on peut.<br />

La vengeance de Gobineau, c'est un poème en trois parties : l'Essai sur l'Inégalité,<br />

l'Histoire des Perses et, enfin, Ottar Jarl. Ce poème-là est certainement l'une des<br />

grandes constructions poétiques à nous léguées par le romantisme. D'abord, cette<br />

vision de l'humanité en marche n'appartient pas qu'au seul Gobineau. C'est un thème<br />

commun à cette époque, où l'on voit Victor Hugo écrire La Légende des Siècles,<br />

Michelet signer La Bible de l'Humanité, Lamartine scander La Chute d'un Ange,<br />

Quinet rédiger Ahasvérus. Le lyrisme de Gobineau, dans l'Essai surtout, est d'une belle<br />

venue : on trouve dans ces pages fiévreuses des éclats de diamant (avec cependant des<br />

lâchers de style qui sont de mauvais aloi). Mais Gobineau est un pessimiste. Alors que<br />

les autres chantent le progrès, l'humanité en route vers le Bien et la Paix, Gobineau,<br />

lui, clame son apocalypse, son désespoir, sa haine. Il hait son siècle, c'est certain.<br />

Mais pourquoi ?<br />

Sa mère ? Une gourgandine qui s'enfuit dans des amours diverses. Son père ? Un<br />

col haut monté, qui ne daigne baisser la tête. Sa femme ? Une amie d'abord, une<br />

ennemie ensuite. Ses filles ? Il s'en détourne. Sa vie ? Un Wagner des lettres, mais sans<br />

Bayreuth... Tout ceci, rapide, ne veut montrer que la vérité de Gobineau : il<br />

s'accommode des accommodements de la terre, s'arrange moins facilement avec Dieu<br />

(ce qui, d'ailleurs, ne le concerne pas), mais tourne la vie en rêve, dans cette baratte<br />

dont nous ne cessons point de nous étonner : son œuvre.<br />

Il a dix lecteurs : il en fait un monde.<br />

Il en a des milliers aujourd'hui : c'est un inconnu.<br />

Pour le cocuage, c'est plus sérieux. Il s'agit, pour employer la langue moderne,<br />

d'un traumatisme. L'enfant a quinze ans, et s'aperçoit brutalement que sa mère couche<br />

avec son précepteur. Le père est un imbécile. La race devient bâtarde. Tout est dit :<br />

jusqu'à son dernier souffle, Gobineau va payer des chercheurs, des archivistes, des<br />

libraires, afin que l'histoire de sa famille lui soit livrée jusque dans les menus détails,<br />

quitte à reprendre le tout, à récrire avec minutie contre les faits, à faire de Gobineau, à<br />

faire d'Arthur, par le truchement de l'imaginaire et fabuleux Ottar Jarl, un fils d'Odin.

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