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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 320<br />

D'ailleurs, le purohita n'était pas un être qui pût sembler redoutable. Il vivait isolé<br />

auprès des chefs assez riches ou généreux pour entretenir sa vie simple et pacifique. Il<br />

ne portait pas les armes ; il n'était pas d'une race ennemie. Sorti de la famille même du<br />

viç-pati ou de sa tribu, il était le fils, le frère, le cousin des guerriers 1 . Il communiquait<br />

sa science à des disciples qui pouvaient le quitter à leur gré et reprendre l'arc et la<br />

flèche. C'était donc insensiblement et par des voies inconnues, même à ceux qui les<br />

suivaient, que le brahmanisme jetait ainsi les fondements d'une autorité qui allait<br />

devenir exorbitante.<br />

Un des premiers pas que fit le sacerdoce dans le maniement direct des affaires<br />

temporelles, témoigne d'un grand perfectionnement politique et moral chez ces<br />

contemporains d'une époque que les érudits allemands appellent, avec une poétique<br />

justesse, la grise antériorité des temps 2 . Les viç-pati comprirent qu'il serait bon de ne<br />

plus être pour leurs administrés, qui, insensiblement, devenaient leurs sujets, les<br />

produits irréguliers de la ruse ou de la violence heureuse. On voulut qu'une consécration<br />

supérieure à l'élection populaire investît les pasteurs des peuples de droits<br />

particuliers au respect, et on imagina de faire dépendre la légitimité de leur caractère<br />

d'une espèce de sacre administré par les purohitas 3 . Dès lors l'importance des rois<br />

s'accrut sans doute, car ils étaient devenus participants à la nature des choses saintes,<br />

même sans avoir encore détrôné un dieu. Mais le pouvoir mondain du sacerdoce fut<br />

également fondé, et l'on devine maintenant ce qu'il va devenir entre les mains d'hommes<br />

éclairés, pacifiques, d'une redoutable énergie dans le bien, et qui, sachant que, pour une<br />

nation dévouée, corps et âme, à l'admiration de la bravoure, aucun prétexte, si sacré fûtil,<br />

ne pouvait couvrir le soupçon d'être lâche, commençaient déjà à pratiquer des<br />

doctrines austères d'abstinences intrépides et de renoncements obstinés. Cet esprit de<br />

pénitence devait aboutir, un jour, à des mutilations effrénées, à des supplices absurdes,<br />

également révoltants pour le cœur et pour la raison. Les purohitas n'en étaient pas là<br />

encore. Prêtres d'une nation blanche, ils ne songeaient même pas à de pareilles<br />

énormités.<br />

La puissance sacerdotale était désormais assise sur des bases solides. Le pouvoir<br />

séculier, fier d'en obtenir sa consécration et de s'appuyer sur elle, servait volontiers ses<br />

développements. Bientôt il put s'apercevoir que ce qui se demande se refuse aussi.<br />

Tous les rois ne furent pas également bien reçus des maîtres des sacrifices, et il suffit<br />

de quelques rencontres où la fermeté de ceux-ci se trouva d'accord avec les sentiments<br />

des peuples, il suffit que certains d'entre eux périssent martyrs de leur résistance aux<br />

vœux d'un usurpateur, pour que l'opinion publique, frappée de reconnaissance et<br />

d'admiration, fit aux purohitas réunis un pont vers les plus hautes entreprises.<br />

1 Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 812.<br />

2 Die graue Vorzeit.<br />

3 Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 812. La consécration royale, dont il est si fort question dans le<br />

Ramayana, a encore été pratiquée dans les temps modernes. W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t.<br />

I, p. 430.

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