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Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des <strong>races</strong> humaines, (1853-1855) Livres 1 à 4 52<br />

Galère, cent autres ; les sénateurs et les décurions faisaient encore leurs délices de la<br />

littérature sceptique ; mais comme on vivait, en définitive, à la cour, donc parmi les<br />

militaires, on était contraint d'adopter un langage et des opinions officielles qui ne<br />

fussent pas dangereuses. Tout devint, peu à peu, dévot dans l'empire, et ce fut par<br />

dévotion que les philosophes eux-mêmes, conduits par Évhémère, se mirent à inventer<br />

des systèmes pour concilier les théories rationalistes avec le culte de l'État, méthode<br />

dont l'empereur Julien fut le plus puissant coryphée. Il n'y a pas lieu de louer<br />

beaucoup cette renaissance de la piété païenne, puisqu'elle causa la plupart des<br />

persécutions qui ont atteint nos martyrs. Les populations, offensées dans leur culte<br />

par les sectes athées, avaient patienté aussi longtemps que les hautes classes les<br />

avaient dominées ; mais, aussitôt que la démocratie impériale eut réduit ces mêmes<br />

classes au rôle le plus humble, les gens d'en bas se voulurent venger d'elles, et, se<br />

trompant de victimes, égorgèrent les chrétiens, qu'ils appelaient impies et prenaient<br />

pour des philosophes. Quelle différence entre les époques ! Le païen vraiment<br />

sceptique, c'est ce roi Agrippa qui, par curiosité, veut entendre saint Paul 1 . Il l'écoute,<br />

discute avec lui, le tient pour un fou, mais ne songe pas à le punir de penser autrement<br />

qu'il ne fait lui-même. C'est l'historien Tacite, plein de mépris pour les nouveaux<br />

religionnaires, mais blâmant Néron de ses cruautés envers eux ; Agrippa et Tacite<br />

étaient des incrédules. Dioclétien était un politique conduit par les clameurs des<br />

gouvernés ; Décius, Aurélien étaient des fanatiques comme leurs peuples.<br />

Et combien de peine n'éprouva-t-on pas encore, lorsque le gouvernement romain<br />

eut définitivement embrassé la cause du christianisme, à conduire les populations dans<br />

le giron de la foi ! En Grèce, de terribles résistances éclatèrent, aussi bien dans la chaire<br />

des écoles que dans les bourgs et les villages et partout les évêques éprouvèrent tant de<br />

difficultés à triompher des petites divinités topiques, que, sur bien des points, la<br />

victoire fut moins l'œuvre de la conversion et de la persuasion que de l'adresse, de la<br />

patience et du temps. Le génie des hommes apostoliques, réduit à user de fraudes<br />

pieuses, substitua aux divinités des bois, des prés, des fontaines, les saints, les martyrs<br />

et les vierges. Ainsi les hommages continuèrent, pendant quelque temps s'adressèrent<br />

mal, et finirent par trouver la bonne voie. Que dis-je ? Est-ce vraiment certain ? Est-il<br />

avéré que, sur quelques points de la France même, il ne se trouve pas telle paroisse où<br />

quelques superstitions aussi tenaces que bizarres, n'inquiètent pas encore la sollicitude<br />

des curés ? Dans la catholique Bretagne, au siècle dernier, un évêque luttait contre des<br />

populations obstinées dans le culte d'une idole de pierre. En vain on jetait à l'eau le<br />

grossier simulacre, ses adorateurs entêtés savaient l'en retirer, et il fallut l'intervention<br />

d'une compagnie d'infanterie pour le mettre en pièces. Voilà quelle fut et quelle est la<br />

longévité du paganisme. Je conclus qu'on est mal fonde à soutenir que Rome et<br />

Athènes se soient trouvées un seul jour sans religion.<br />

1 Act. Apost. XXVI, 24, 28, 31

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