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246 MÉMOIRES DE GOETHE.<br />

min creux où elle ne put s'avancer qu'au pas, car elle<br />

était précédée par une immense voiture attelée de quatre<br />

chevaux. Impatienté de ce retard, je descendis et je demandai<br />

au postillon de cette voiture qui, à cause du mauvais<br />

chemin, marchait à pied, quels étaient les voyageurs<br />

qui m'empêchaient ainsi d'avancer. Il m'apprit, avec un<br />

accompagnement de jurons énergiques, que c'étaient des<br />

Françaises ; qu'elles n'avaient que des assignats pour payer<br />

les frais de route, et qu'il allait les faire tomber dans le<br />

premier fossé qu'il rencontrerait à la sortie du chemin<br />

creux. Je m'efforçai de calmer ses sentiments haineux,<br />

puis je m'approchai de la voiture, en adressant quelques<br />

paroles bienveillantes aux voyageusès inconnues.<br />

Au même instant, un beau visage de femme parut à la<br />

portière. J'étais parvenu à rassurer cette charmante Française,<br />

qui me confia aussitôt qu'elle se rendait à Trèves<br />

pour rejoindre son mari et rentrer en France avec lui.<br />

J'eus beau lui dire que cette démarche était très-hasardée,<br />

elle ne m'écouta point; car elle n'était pas seulement<br />

guidée par le désir de retrouver son mari, niais par le<br />

besoin de rentrer en France; parce qu'elle n'avait que<br />

des assignats, et qu'en France seulement on pouvait<br />

vivre avec cette monnaie.<br />

Pendant que nous causions ainsi, on s'était approché<br />

d'une rigole, jetée sur le haut du chemin creux, pour<br />

conduire de l'eau à un moulin voisin. Malheureusement,<br />

le dessus de la voiture de la belle voyageuse était si chargé<br />

de cartons et de caisses, qu'elle ne pouvait passer sous<br />

la rigole sans être déchargée. Son postillon et le mien redoublèrent<br />

de jurons; pour les apaiser, j'appelai mon domestique,<br />

et nous nous mimes tous deux à la besogne, qui<br />

se termina plus vite que je ne m'y étais attendu.<br />

Lorsque ce travail fut achevé, la jeune femme me témoigna<br />

sa reconnaissance de la manière la plus aimable; puis<br />

elle me dit le nom de son mari, persuadée que je le trouverais<br />

sans peine à Trèves. Je ne partageai point cet espoir,

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