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296 MÉMOIRES DE GOETHE.<br />

Frédéric le Grand au troisième ciel, elle se plaignit amèrement<br />

du roi de Prusse actuel, parce qu'il avait conduit<br />

une nombreuse armée dans un pays où les cantinières ne<br />

pouvaient que difficilement exercer leur profession. La<br />

haute opinion que cette femme avait de son métier, égaya<br />

le temps qui devait s'écouler encore avant l'arrivée de nos<br />

chevaux. Ils arrivèrent enfin; nous nous mimes joyeusement<br />

en selle, et nous eûmes bientôt rejoint le régiment<br />

du duc de Weimar, pour commencer avec lui cette retraite<br />

de l'armée des alliés, dont les conséquences ont exercé<br />

une si grande influence sur les destinées de l'Europe.<br />

Les premières heures de cette retraite furent remplies<br />

d'anxiété, car nous ne pouvions nous dissimuler que nous<br />

marchions entourés de toutes parts par l'armée française,<br />

maîtresse absolue de notre sort. Ce ne fut que par degrés,<br />

qu'on se livra à l'espoir que, grâce h quelque convention secrète,l'ennemi<br />

nous laisserait tranquillement regagner notre<br />

pays; mais le défaut de vivres et l'état affreux des routes<br />

nous préparaient encore assez de souffrances et de dangers.<br />

Ici des artilleurs sont forcés d'abandonner leurs canons<br />

dans la bourbe où ils s'étaient enfoncés, là des fourgons et<br />

des chariots chargés d'objets précieux, tombent dans un<br />

étang d'où il est impossible de les retirer; partout des malades,<br />

des mourants que, faute de secours et de moyens de<br />

transport, on est forcé d'abandonner. Une halte enfin<br />

nous est accordée et nos voitures, nos chariots et nos<br />

fourgons, se rangent en bon ordre au-dessus du village de<br />

Saint-Jean, preuve irrécusable que notre retraite se fait<br />

avec le ccnsentement de l'ennemi, et que nous pourrons<br />

parler de nos souffrances et de nos dangers chez nous devant<br />

nos darnes. Ces paroles que je m'empressai de répéter à nos<br />

amis ranimèrent leur courage.<br />

On n'établit point de camp, mais nos gens dressèrent<br />

une grande tente dont ils formèrent plusieurs chambres à<br />

coucher, en la divisant par des gerbes de blé entassées les<br />

unes sur les autres.

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