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42 MÉMOIRES DE GOETHE.<br />

animation qui pouvait faire croire qu'il prenait tout ce<br />

qu'il disait parfaitement au sérieux. J'appelle cela une représentation<br />

dramatique, car je suis sûr que les plaidoyers<br />

et les répliques des avocats, ainsi que l'arrêt des juges,<br />

ont été préparés et arrêtés d'avance. Cette manière de<br />

plaider une cause ne m'en parait pas moins préférable à<br />

nos interminables et muettes écrivasseries; je vais tâcher<br />

d'en donner une idée.<br />

La salle est une des plus vastes du palais ducal : d'un<br />

côté, les juges sont rangés en demi-cercle; en face d'eux,<br />

les avocats des deux parties occupent une vaste chaire<br />

au pied de laquelle se trouve un banc on s'assoient les<br />

accusés et les plaignants.<br />

La séance de ce jour devait être une véritable controverse<br />

, et les documents, quoique déjà imprimés, allaient<br />

y être lus en présence des juges. Un nombreux public<br />

encombrait la salle, car le procès par lui-même, et<br />

le rang de la personne en cause, ne pouvaient manquer<br />

d'intéresser vivement les Vénitiens. Il s'agissait de fidéicommis<br />

et, en ce cas, le public donne toujours raison au<br />

descendant du propriétaire primitif. Quant à la personne<br />

accusée, elle n'était autre que la femme du doge. Cette<br />

princesse, déjà avancée en âge, d'une tournure noble et<br />

imposante, d'une figure belle quoique sévère, était assise<br />

sur le banc au pied de la chaire des avocats; un très-petit<br />

espace la séparait du plaignant.<br />

Le peuple vénitien est très-fier d'une législation qui<br />

contraint sa souveraine à venir, dans son propre palais,<br />

s'asseoir sur le banc des accusés devant la justice du pays.<br />

Un scribe fort maigre, vêtu d'un habit râpé, s'est mis à<br />

lire les mémoires. Alors seulement j'ai compris ce que faisait<br />

là, en face des juges, un petit homme assis sur un<br />

petit tabouret près d'une petite table sur laquelle il y avait<br />

un sablier qu'il couchait tant que le scribe lisait, et qu'il<br />

s'empressait de relever dès qu'un avocat ouvrait la bouche.<br />

C'est que, d'après les us et coutumes de la justice véni-

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