1959 - Université Libre de Bruxelles

Incursion de l'artiste dans le domaine du savant
par G. A. BRUNET
Léonard de Vinci était contemporain de Copernic. Bien
que Copernic ait vécu en Italie, il est peu probable qu'ils se
soient connus. On peut cependant imaginer que s'ils s'étaient
rencontrés et que Copernic eût expliqué à Vinci sa conception
du mouvement des Astres, l'artiste etH rapidement compris et
approuvé les idées de l'Astronome; car si cette théorie était
contraire aux doctrines établies et par conséquent étrangère
au sens commun, elle était conforme au bon sens. L'intelligence
de Léonard était vaste comme on le sait, et l'humilité
devant la nature était le fondement de sa méthode. Ses connaissances
mathématiques ne devaient pas être inférieures de
beaucoup à celles de l'astronome. En bref, ils pouvaient se
-comprendre.
Supposons à présent que deux de nos illustres contem­
-POl'ains, Einstein et Rodin par exemple, se soient trouvés
réunis. On peut penser que le mathématicien. aurait pu aimer
l'art de Rodin, sans en saisir peut-être toute la richesse, mais
-que le sculpteur n'aurait rien compris aux théories du savant,
car de nos jour~ il faut au bon sens, pour triompher du sens
commun un instrument si compliqué et si abstrait qu'il
-échappe aux intelligences les plus éveillées lorsqu'elles n'ont
pas été préparées à s'en servir. En d'autres termes, le bon sens
·est devenu trop subtil pour être immédiatement admissible et
les théories scientifiques ne peuvent plus revêtir pour la mul-
1itude que l'aspect d'une croyance dont on présume qu'elle
doit être certitude dans un inaccessible Empyrée. Lorsqu'un
physicien nous dit avec beaucoup de réticences que le temps
pourrait être assimilé à une quatrième dimension de l'espace,