1959 - Université Libre de Bruxelles

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276 J. STENGERS
distinction entre eux. Il n 'y a pas - il n'y a jamais eu - deux
catégories d'étudiants, ceux qui sont libre-exaministes et ceux
qui ne le sont pas. Pour l'Université, tous les étudiants sont
placés sur le même pied, et ils ont droit tous à une même
sollicitude. Une discrimination quelconque, si elle était pratiquée
où que ce soit à l'Université, frapperait moins l'étudiant
qui en serait victime que l'Université elle-même, qui se sentirait
atteinte dans ce qui est une de ses règles les plus rigoureuses
et en même temps une de ses fiertés.
Mais si l'étudiant n'a à aucun moment, vis-à-vis de l'Université,
ne fût-ce qu'à décliner ses opinions philosophiques, il
en est autrement de celui qui aspire à faire partie du corps
enseignant. A celui-là, l'Université pose une question, une
seule: elle lui demande s'il se sent en communion avec l'esprit
de libre examen de la maison, et il est entendu que cette
adhésion au libre examen est incompatible avec l'adhésion au
catholicisme. Je n'envisage pas ici le cas des autres religions
révélées, et notamment du protestantisme, qui pose des problèmes
extrêmement délicats, et qui exigerait de longs développements
Cl).
Et ceci nous conduit à nous poser une question - une
question qui peut-être déjà vous vient aux lèvres - et qui est
en tout cas la plus grave de toutes celles que nous avons à nous
poser à l'Université. L'incompatibilité du libre examen et du
catholicisme s'est établie à une époque où l'Eglise présentait
le visage le plus anti-libéral et constituait réellement un
obstacle au développement de la science libre.
Mais l'Eglise, depuis, a évolué, et même à certains égards
prodigieusement évolué, alors que nous avons conservé un
point de vue invariable. Ne nous sommes-nous pas figés dans
une position aujourd 'hui dépassée ~
L'Eglise a évolué. Sans doute dans certains pays conserve-t-elle
encore une physionomie fort rébarbative, qui res­
Relnble à celle d'il y a un siècle. Mais dans le milieu où nous
vivons, l'Eglise de Pie IX paraît aussi lointaine à certains
égards que celle des bûchers du XVIe siècle. Même là où elle
·s'est le plus libéralisée, elle conserve encore bien entendu dans
son sein des disciplines et des contraintes que les non-cathoel)
Cf. sur ce point J. STENGERS, D'une définition du libre examen,
nrt. cité, pp. 47-50 et 51-52. -