1959 - Université Libre de Bruxelles

SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE DU 9 OCTOBRE 1958 21
pIes de détail tirés généralement de constatations personnelles,
et, enfin, sur la mise en œuvre de ces matériaux par le raisonnement
déductif. Ces systèmes ne laissent pas d'impressionner,
encore aujourd'hui, par leur cohérence et par la force qui s'en
dégage. Que l'on prenne les ouvrages des pères de l'économie
libérale, ou que l'on prenne Auguste Comte, Hegel, Karl Marx
ou Herbert Spencer, ils se caractérisent par un effort conceptuel
de synthèse. Malheureusement, en dépit des prétentions
des marxistes en ce qui concerne leur propre système, il ne
s'agit pas là de constructions scientifiques. Aussi, par réaction,
les sciences sociales du xx e siècle prennent-elles un caractère de
plus en plus inductif et même quantitatif. La règle du concret
se généralise.
Elle se généralise si bien qu'en sociologie notamment s'est
développé, surtout en Amérique, dès après la guerre de
1914-1918, un vigoureux courant contre toute approche con­
-ceptuelle des phénomènes sociaux, contre toute démarche intellectuelle
pouvant ressembler, de près ou de loin, à l'esprit des
:systèmes du XIX e siècle. Ainsi voulait-on limiter la sociologie
.à la sociographie, à la description minutieuse des faits, toute
-synthèse étant remise à plus tard et tout travail déductif étant
-condamné a priori ... C'est ainsi que par peur du « conceptuel ))
la sociologie américaine procédait à un amoncellement de faits
scientifiquement établis, mais disparates, hétéroclites. En d'autres
termes, on refusait de penser.
Or, la synthèse est légitime et nécessaire. Une science ne
peut pas vivre sans théorie. Il est indispensable que tous les
laits dûment vérifiés soient reliés, en une vue d'ensemble cohérente,
bien entendu acceptée sous bénéfice d'inventaire. Sans
cela, les hypothèses de travail qui sont nécessairement à la base