1959 - Université Libre de Bruxelles

274 J. STENGERS
« Personne n'espère concilier le catholicisme avec la
li berté CU) ».
Liberté et catholicisme apparaissent donc comme des
termes antinomiques. Or, à la même époque, science et catholicisme
apparaissent également de plus en plus comme des
termes inconciliables. La vieille religiosité à la Van Meenen est
balayée à partir de 1860 par le grand courant positiviste. La
philosophie devient positiviste et la science devient darwinienne
: la théorie de l'évolution est accueillie avec enthousiasme.
Or comment concilier cette théorie fondée sur les données
de la science, avec la création selon la Bible que l'Eglise
déclare être une vérité révélée P La vérité révélée paraît donc
être démentie par la vérité scientifique. Déjà Théodore Verhaegen,
dans un de ses derniers discours, avait insisté sur les
contradictions qu'il apercevait entre le dogme catholique et les
vérités scientifiques (ce qui semble bien indiquer, comme je
l'ai déjà dit, qu'à supposer qu'il soit resté catholique, il était
devenu en tout cas un catholique plus bizarre que jamais) el).
L'évocation de ces contradictions deviendra, dans les années 60,
70 et 80, un thème courant.
Tels sont les facteurs convergents sous l'action desquels le
libre examen ya prendre une tonalité nouvelle, qu'il n'avait
pas à ses débuts, du moins pour beaucoup.
Le libre examen veut la recherche libre de la vérité scientifique.
Comment la recherche peut-elle être libre dans une
Eglise qui combat la libertéP Comment la vérité scientifique
peut-elle être atteinte dans une Eglise qui nie la vérité pour
s'en tenir au dogmeP L'on raisonne ainsi à l'Université de
Bruxelles - et bien ailleurs en Europe - entre 1860 et 1880, et
l'on aboutit a la conclusion inéluctable: le libre examen est
incompatible avec la foi catholique C'0).
("8) Université libre de Bruxelles. Année académique 1879-1880.
Discours d'ouverture prononcés... le 18 octobre 1880 par M. Van
Schoor, ... M. Vanderkindere, Bruxelles, 1880, p. 55.
(49) Annales parlementaires, Chambre, 1856-1857, p. 83; discours
du 22 novembre 1856.
(50) Les premières affirmations nettes de cette incompatibilité se
rencontrent, comme il fallait s'y attendre, dans les milieux maçonniques,
chez certains libéraux avancés et, bien entendu, dans les
milieux de libre-pensée (ces trois groupes se recouvrant bien entendu
largement l'un l'autre). Milieux maçonniques: P. Ithier déclare en
février 1864 à la loge des Amis Philanthropes: « Deux principes con·