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1959 - Université Libre de Bruxelles

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314 PIERRE RUELLE<br />

Port-Royal, œuvre <strong>de</strong> Lancelot et du grand Arnauld, la première<br />

et la plus importante du genre, s'exprime aInsi: « •.. le<br />

discours n'étant que l'image <strong>de</strong> la-pensée, il ne peut pas former<br />

<strong>de</strong>s expressions qui ne soient pas conformes à leur original pour<br />

ce qui est du sens et par conséquent qui ne soient pas fondées<br />

sur la raison ». Le langage étant ainsi soumis à la raison, il en<br />

résultait tout naturellement, si l'on peut dire, que la grammaire<br />

<strong>de</strong>vait être subordonnée à la logique. Mais c'était ne pas<br />

apercevoir que notre pensée est loin d'être toujours discursive<br />

et que l'expression dépasse souvent les limites <strong>de</strong> la pensée<br />

consciente et délibérée. On remarquera en outre que si les<br />

théoriciens <strong>de</strong> Port-Royal se réfèrent à huit langues différentes,<br />

une seule, l'hébreu, n'est pas indo-européenne. Ce sont là,<br />

pour une théorie générale du langage, <strong>de</strong>s bases bien étroites.<br />

A part Voltaire, trop bien informé et trop réaliste pour ne pas<br />

voir dans. la langue une réalité sociale et le résultat d'une histoire,<br />

tous les philosophes français du XVIIIe siècle, quels que<br />

fussent par ailleurs leurs mérites et leur originalité, ont buté<br />

sur le postulat rationaliste. Condillac, le sensualiste Condillac<br />

lui .. même, écrit: « Si toutes les idées qui composent une pensée<br />

sont simultanées dans l'esprit, elles sont successives dans<br />

le discours : ce sont donc les langues qui nous fournissent les<br />

moyens d'analyser nos pensées CI). )) Plus loin, il précise:<br />

c( On appelle grammaire la science qui enseigne les principes<br />

et les règles <strong>de</strong> cette métho<strong>de</strong> analytique C) », et il ajoute :<br />

((. En un mot les langues ne sont que <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s et les<br />

métho<strong>de</strong>s ne sont que <strong>de</strong>s langues (8). »<br />

Concluons sur ce point. Les théoriciens <strong>de</strong> la grammaire<br />

générale, armés d'une métho<strong>de</strong> strictement déductive, paralysés<br />

en outre par la croyance à une langue primitive unique, ne<br />

pouvaient construire que <strong>de</strong>s systèmes factices. Leurs affirmations<br />

liminaires et leurs démarches sont la négation <strong>de</strong> la grammaire<br />

historique, science d'observation et, à plus d'un point<br />

<strong>de</strong> vue, véritable science naturelle. Ajoutons, pour être juste,<br />

que la vieille logique aristotélicienne dont ils disposaient ne<br />

pouvait, en toUt état <strong>de</strong> cause, les mener fort loin. La recherche<br />

(6) Cité par G. HARNOIS, Les théories du langage en France <strong>de</strong> 1660<br />

à 1821, Paris, Belles Lettres, s. d., p. 48.<br />

(1) Ibid.<br />

(1) Ibid.

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