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1959 - Université Libre de Bruxelles

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310 PIERRE RUELLE<br />

exprimées, car Mlle Bastin se donnait le régal <strong>de</strong> nous les laisser<br />

découvrir. Sur le plan littéraire d'abord, une fois écarté l'écran<br />

d'une langue souvent difficile, dès que nous cessions d'être<br />

dépaysés dans le cadre social, l 'homme <strong>de</strong> 1180 ou <strong>de</strong> 1260 se<br />

révélait étrangement semblable à l'homme d'aujourd'hui, avec<br />

ses passions, ses angoisses, sa mesquinerie et sa gran<strong>de</strong>ur.<br />

Ensuite, sur un autre plan, qu'il s'agît <strong>de</strong> lexique, <strong>de</strong> morphologie<br />

ou <strong>de</strong> syntaxe, quelle que fût l'époque considérée, la<br />

langue française nous àpparaissait intensément vivante, comme<br />

un être en qui le présent et ~e passé se confon<strong>de</strong>nt; comme un<br />

organisme d'une infinie complexité recréant sans relâche un<br />

équilibre sans cesse rompu. Le cours <strong>de</strong> Mlle Bastin avait la<br />

richesse, la finesse et la variété du réel. C'était pour nous<br />

l'expression même d'une vie luxuriante, celle <strong>de</strong> la langue<br />

française.<br />

Tous ces souvenirs étaient présents à mon esprit lorsque<br />

j'ai choisi pour sujet <strong>de</strong> mon exposé d'aujourd'hui l'évolution<br />

<strong>de</strong>s idées reatives à la grammaire historique du français.<br />

Une langue ne reste pas semblable à elle-même. Les modifications<br />

qu'elle subit dans sa phonétique, dans son vocabulaire,<br />

dans sa morphologie, dans sa syntaxe sont sensibles à<br />

l'observateur averti, et d'âge mûr, lorsqu'il compare le parler<br />

<strong>de</strong> la génération qui l'a précédé et celui <strong>de</strong> la génération qui va<br />

lui succé<strong>de</strong>r. Si cet observateur a le loisir d'examiner <strong>de</strong>s textes<br />

écrits dans sa langue et <strong>de</strong> plus en plus anciens, il s'aperçoit<br />

que les différences vont croissant à mesure qu'il remonte dans<br />

le passé. Une telle constatation est somme toute aisée. Horace<br />

le faisait pour le latin lorsqu'il s'écriait dans l'EpUre aux<br />

Pisons- C) : « Les œuvres <strong>de</strong>s mortels périront, bien loin que<br />

puissent perdurer l'éclat et la grâce <strong>de</strong>s langues. Tant <strong>de</strong> mots<br />

qui sont déjà tombés renaîtront, et d'autres qui sont aujourd'hui<br />

en honneur disparaîtront si telle est la volonté <strong>de</strong> l'usage<br />

à qui appartiennent le pouvoir absolu, le droit et la loi. 1) Villon,<br />

<strong>de</strong> son côté, au xv e siècle, ne s'amuse-t-il pas à imiter<br />

l'ancienne langue?<br />

Mais si, au lieu <strong>de</strong> s'en tenir à une simple constatation,<br />

on note systématiquement les différences, si on établit nettement<br />

et en remontant aussi haut que l'on peut la filiation <strong>de</strong>s

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