1959 - Université Libre de Bruxelles

LA GRAMMAIRE HISTORIQUE DU FRANÇAIS 323
simplifier à l'excès un problème très complexe et de mértter
ainsi des reproches, je vais vous donner un exemple de solution
phonologique.
Le passage de u long latin à ii français est difficile à expliquer.
L'influence d'un substrat celtique est peu vraisemblable:
u long était encore u en Gaule au VIne siècle et peut-être au xe.
On sait d'autre part que 0 bref du latin classique passe à 0
ouvert en latin vulgaire et que 0 long, s'il passe le plus souvent
à 0 fermé, passe aussi parfois à u à une époque où le u
long du latin classique existait encore. Comment se disposent
sur le voile du palais les points d'articulation de toutes ces
voyelles P Pour le latin classique :
Mais pour le la tin
vulgaire de G a u 1 e ,
nous constatons que la
région vélaire est trop
limitée pour permettre
l'articulation distincte
de quatre voyelles. L'une d'elles est donc « forcée» de se
déplacer vers la région palatale : u long passe à ü. Difficultés ~
Géographiques d'abord. Pourquoi certaines régions ont-elles
réagi autrement: liégeois
pièrdoû pour
français perduP Difficultés
logiques aussi.
Il n'est pas démontré
que la confusion des
deux u e1Ît gravement perturbé la langue. Que faut-il penser P
Que la méthode n'est pas au point P Ou que le français se prête
mal à des investigations qui sont couronnées de succès, dit-on,
lorsqu'elles portent sur des langues africaines ou asiatiquesP
Un proche avenir nous l'apprendra sans doute.
Mesdemoiselles, Messieurs, nous venons de refaire en quelques
instants le chemin déjà long qu'a suivi la grammaire historique
du français. Nous avons vu cette discipline enthousiaste
mais encore maladroite à la Renaissance, créant au xvn e et au
xvnf siècle les premiers instruments de ses futures découvertes,
se donnant au XlX 8
siècle des tâches précises et s'y livrant avec
une minutieuse obstination, s'efforçant enfin au xx 8 siècle,
avec des fortunes diverses, de dégager de vastes synthèses. Pour