1959 - Université Libre de Bruxelles

LE LIBRE EXAMEN À L'UNIVERSITÉ DE BR UXELLES 257
On craignait que Louvain n'étouffe la liberté scientifique
et. ne devienne un antre de l'obscurantisme. La liberté scientifique
que Louvain a connue n'a certes pas été toujours celle
que nous concevons (il y a eu, tant dans le domaine de la
philosophie que dans celui de l'exégèse, des maîtres condamnés
au silence); mais pris encore une fois dans son ensemble,
Louvain a été un grand, un admirable foyer scientifique.
Devant ce déroulement historique si contraire aux prévisions
de nos fondateurs, nous devons en conscience nous
poser la question que posaient implicitement nos propos du
début: pour des hommes qui croient à la grandeur et à la
mission de l'enseignement officiel, un établissement d'enseignement
libre comme l'est l'Université de Bruxelles a-t-il eu,
a-t-il encore sa raison d'êtreP
On pourrait, pout appuyer une réponse affirmative, évoquer
toute une. série de services' que l'Université a rendus, et
qu'elle a pu rendre précisément parce qu'elle constituait un
établissement libre.
Elle a, à ses débuts, constitué un rempart qui a protégé
les Universités de l'Etat. Le premier rapport de l'Université,
rédigé en 1839, le constatait fort justement. II n'est pas douteux,
notait le rapport, « que dans les circonstances actuelles,
l'Université de Bruxelles sert de bouclier aux Université de
Gand et de Liège; tant que la première se maintient, c'est
contre elle que se dirigent tous les efforts (entendez les attaques
de l'Eglise et des catholiques), et l'on évite de troubler l'existence
des Universités de l'Etat, parce que leur chute tourntrait
au profit de l'Université libre; mais si celle-ci n'existait pas
ou si elle venait à succomber, avant peu leur sort serait
évidemment compromis» C 8 ).
L'on pourrait souligner aussi qu'à un moment où, dans
les Universités de l'Etat mêmes, la liberté de la chaire s'est
(18) Rapport général... jusqu'à la fin de l'exercice 1838, Zoc. cil.,
pp. 315-316. Voir dans le même sens un article de L'Observateur du
16 novembre 1839 : « Les deux Universités de l'Etat n'ont pas de plus
solide garantie que l'existence de l'Université de Bruxelles. Le parti
intolérant qui les hait toutes les trois, pourrait bien faire supprimer
par ies Chambres les Universités de Liège et de Gand; mais ce
qui l'arrête, ce qui l'arrêtera toujours, c'est la crainte de voir les élèves
de ces deux établissements préférer l'Université de Bruxelles à celle de
Louvain. »