1959 - Université Libre de Bruxelles

LE LIBRE EXAMEN À L'UNIVERSITÉ DE BRUXELLES 281
enseignent la jeunesse, si élevé que soit le ni veau de leur
enseignement, s'attaquent dans cet enseignement aux fondements
de l'Etat ou de l'ordre social. L'Université de Bruxelles,
à cet égard, parIage le sort de toutes les Universités: elle fait
partie d'un Etat, elle s'insère dans un ordre social. Notre effort,
certes, a toujours visé à réduire au minimum la pesée de ces
fadeurs, et à donner au professeur qui monte en chaire la
garantie d'une liberté aussi étendue que possible. Mais cet
effort est le point d'honneur de tous les milieux universitaires
véritables, à travers le monde.
Ne cherchons pas notre originalité où elle n'est pas.
L'Université, lorsqu'elle combat pour la cause de la liberté de
l'esprit, fait simplement partie de la phalange aujourd'hui
immense de ceux qui ont cette cause à cœur.
Mais notre option philosophique nous donne, elle, une
originalité foncière. Et cette option nous invite aussi, si l'on y
réfléchit bien, à servir une cause, et une grande cause. Professeurs
de l'Université, étudiants dans leur majorité, nous
sommes hors de l'Eglise. Cela ne signifie pas seulement que
nous ne sommes pas soumis au dogme. Nous ne sommes pas
soumis non plus à la morale révélée, dont l'Eglise impose
l'observation.
La morale de l'Université de Bruxelles est une morale indépendante.
Il nous revient de prouver que cette morale existe
et qu'elle peut être aussi grande que la morale révélée. A ceux
qui croient encore - car on le croit encore et on ose encore le
dire - que les hommes sans foi sont nécessairement des
hommes « sans foi ni loi)) CS), nous apportons la preuve, collectivement,
qu'il n'en est pas ainsi.
C'est sur ce plan, je pense, que se situe la responsabilité
propre, et à beaucoup d'égards essentielle, des professeurs et
des étudiants libre-exaministes. Ils constituent un groupe à la
fois dégagé du dogme et libre de ses options morales. C'est en
s'imposant, par la valeur de sa morale, au respect d'autrui,
qu'un tel groupe peut démontrer que l'émancipation de la foi
n'entraîne pas l'homme vers le bas, et qu'elle peut au contraire
le mener ver's le haut.
(;;S) Lettre pastorale de Mgr Deprimoz, ,icaire apostolique de Kabgayi,
et de Mgr Bigirumwami, vicaire apostolique de Nyundo (Ruanda­
Urundi), dans la Ubre Belgique du 8 décembre 1954.